Cet article a été publié dans le numéro 120 - « La question postcoloniale » qui marque l’anniversaire des 30 ans de la revue

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Début 1976 lorsque parut le premier numéro d’Hérodote, dont le sous-titre initial « Stratégies, géographies, idéologies » et le contenu firent grand scandale dans la corporation des géographes universitaires, nous ne nous doutions absolument pas qu’elle exis-terait encore trente ans plus tard, avec deux de ses fondateurs et la même ligne directrice.

Cette réussite, car c’en est une, nous la devons à diverses causes : tout d’abord à l’effi-cacité de ce savoir-penser l’espace qu’est la géographie, lorsqu’il est associé à l’histoire et à l’idée du mouvement. Rappelons qu’Hérodote d’Halicarnasse, ami de Périclès, fut, il y a vingt-quatre siècles le premier des grands historiens, et aussi le premier géographe au sens moderne du terme : ses préoccupations furent somme toute très géopolitiques et ses Enquêtes, un siècle plus tard, serviront à Alexandre le Grand pour faire la conquête du Moyen-Orient.

Cette référence aux temps longs de ce savoir, à ses progrès comme à ses régrès (diraitÉlisée Reclus) et à ses fonctions fondamentales (à quoi sert la géographie ?) ne doit pas faire oublier les causes plus immédiates du succès d’Hérodote : la revue n’aurait pas existé sans François Maspero qui a décidé de la publier, en dépit des difficiles conditions financières qu’il connaissait. Ce grand éditeur anti-impérialiste, qui a commencé de publier durant la guerre d’Algérie, a réalisé la maquette de couverture d’Hérodote et choisi son format ; ce sont encore les siens aujourd’hui. François Gèze qui a pris le relaisà la tête des Éditions La Découverte, avec le souci efficace des mêmes causes dans un monde en plein changement, assure la publication de la revue depuis près de vingt-cinq ans. Grâce à son action, tous les articles publiés dans Hérodote depuis 2001 sont consul-tables sur sur le site Internet du portail de revues Cairn (www.cairn.info).

Hérodote, revue de géographie et de géopolitique, a été portée par la succession des très grands changements géopolitiques qui se sont produits dans le monde depuis trente ans : la fin de la guerre du Vietnam, l’étonnante guerre entre des États communistes, le Cambodge, le Vietnam et la Chine, la première révolution islamiste en Iran, l’invasion de l’Afghanistan, la chute du mur de Berlin, la disparition de l’URSS et la première guerre du Golfe, les guerres civiles yougoslaves, le génocide au Rwanda et autres tragédies africaines... En témoignent les titres des numéros de la revue qui, pour permettre une analyse approfondie, sont chacun consacrés à un conflit précis ou à un grand thème faisant objet de polémiques.

Encore fallait-il que cette revue trimestrielle - donc en décalage de plusieurs semaines sur l’actualité - apporte quelque chose d’intéressant, en plus des nombreuses informa-tions et analyses déjà publiées dans la presse quotidienne ou mensuelle. Ce « quelque chose en plus » a été le raisonnement géopolitique et, ce n’est pas rien parce qu’il est fort efficace. Hérodote en effet a été la première revue intellectuelle à prendre sérieusement en compte le mot géopolitique lorsque, après avoir été proscrit depuis la Seconde Guerre mondiale, il réapparut dans la presse en 1979. C’était encore avec une forte connotation négative afin de déplorer l’étonnante guerre Vietnam-Cambodge. Sans attendre qu’il se diffuse dans les médias, l’équipe d’Hérodote, essentiellement formée de géographes passionnés d’histoire, a mené une réflexion approfondie - elle se développe encore aujourd’hui - pour définir ce que devait être une nouvelle géopolitique : l’analyse des riva-lités de pouvoirs sur des territoires, en confrontant les points de vue des différents protago-nistes et en accordant une attention précise à l’idée qu’ils se font chacun de leur propre nation et de son territoire. En géopolitique, l’idée-force est la nation - mais quelle nation ?

Les préoccupations d’Hérodote se portent autant sur les questions internationales - d’où des relations régulières avec Radio-France Internationale - que sur les problèmes de géopolitique interne, c’est-à-dire les rivalités de pouvoirs sur le territoire d’un même État-nation. Le cas de la France est l’objet d’analyses précises, comme le prouve la publi-cation récente de la Nouvelle Géopolitique des régions françaises (2005) qui s’adresse aussi bien aux hommes politiques, aux militants comme aux citoyens les plus avisés. La fonction citoyenne de la géopolitique - telle que nous la concevons - est aussi mise en œuvre de façon conviviale par les Cafés géopolitiques qu’animent mensuellement les plus jeunes de l’équipe d’Hérodote (très stable, elle rassemble trois générations et il se trouve que la majorité y est féminine).

La réussite d’Hérodote peut aussi se mesurer au nombre des publications et des travaux que la revue a directement inspirés et qui sont produits par ce que l’on peut désormais appeler l’École française de géopolitique (soixante thèses de doctorat depuis dix ans). Ce fut tout d’abord en 1989 le Centre de recherches et d’analyses géopolitiques constitué à l’université Paris-VIII, cette fameuse université de « Vincennes » où s’est formé après 1968 le petit groupe de jeunes historiens devenus géographes autour du projet d’Hérodote. En 2002 a été officiellement créé, toujours à Paris-VIII, l’Institut fran-çais de géopolitique (IFG). Des dizaines de jeunes chercheurs français et étrangers, de diverses formations universitaires, mènent à bien, aux niveaux du master et du doctorat de géopolitique, des travaux qui font l’objet de publications, tout d’abord sous la forme d’articles dans la revue selon le problème traité dans tel ou tel de ses numéros. C’est aussi la jeune équipe de cet IFG qui anime le site de la revue www.herodote.org.

Hérodote, en mettant en œuvre une conception démocratique de la géopolitique, mais fondée sur une démarche scientifique, se propose d’aider les citoyens à mieux comprendre des problèmes géopolitiques. Nombre de ces problèmes auxquels nous risquons d’être tôt ou tard confrontés sont compliqués et dangereux, en dépit de certaines représentations sympathiques. Aussi pose-t-on dans Hérodote des questions qui fâchent et qui ne sont pas « politiquement correctes ». Il en est ainsi depuis trente ans.


L’institut Français de Géopolitique offre des formations de master intenses, exigeantes et passionnantes !

Hérodote est historiquement liée à la formation en géopolitique (master et doctorat) de l’Université Paris 8 — Vincennes - Saint-Denis, l’Institut Français de Géopolitique (IFG) où ont enseigné son fondateur Yves Lacoste, sa directrice Béatrice Giblin (également fondatrice de l’IFG), et une partie importante de l’équipe de la revue.

La première année est consacrée à la formation à et par la recherche, qui est au cœur du projet intellectuel et citoyen de l’École France de Géopolitique. Les étudiants et les étudiantes doivent écrire un mémoire de recherche d’une centaine de page appuyé sur une enquête de terrain d’un mois en autonomie. Un accompagnement fort leur est proposé pour favoriser leur réussite durant cette année si différente de leurs expériences précédentes.

En seconde année, quatre spécialisations professionnalisantes sont possibles : géopolitique locale et gouvernance territoriale, géopolitique du cyberespace, nouveaux territoires de la compétition stratégique, analyse des risques géopolitiques et environnementaux. Toutes ces spécialisations sont ouvertes à l’alternance, et la majorité des étudiants et des étudiantes a désormais un contrat d’apprentissage. Celles et ceux qui souhaitent faire une seconde année de recherche le peuvent, notamment en préparation d’un projet de doctorat.

Avec 85 places en première année, le master de l’IFG offre aussi une véritable vie collective de promo, animée notamment par une association étudiante dynamique. Les étudiantes et étudiants viennent de nombreuses formations et disciplines, notamment : géographie, d’histoire, de droit, de sociologie, de science-politique, Économie et gestion, langues (LLCE/LEA) ou de classes préparatoires.

Les candidatures en première année de master se font exclusivement via la plateforme nationale monmaster.gouv.fr du 26 février au 24 mars 2024. Toutes les informations utiles se trouvent sur le site www.geopolitique.net. En deuxième année, les candidatures doivent passer par le site de l’Université. L’IFG n’offre pas de formation au niveau licence.

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    - Climat et Géopolitique (non déterminé)
    - Aérien et spatial (non déterminé)… Lire la suite.

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