Depuis 1997, face à la combativité des riverains et des écologistes, la France expérimente une nouvelle procédure de concertation, très en amont des grands projets d’équipements, le débat public. Son impact sur les rapports de forces entre acteurs de l’aménagement est réel : les associations y gagnent en reconnaissance, en visibilité et en accès à l’information, les maîtres d’ouvrage prennent des risques importants (plus de la moitié des débats se sont conclus par l’abandon du projet), les élus organisent la résistance ou se tiennent dans une prudente réserve. Mais le débat public souffre du manque de moyens de la Commission nationale chargée de l’organiser, il ne permet pas de répondre à la question de l’opportunité des projets et les expertises restent largement sous le contrôle des maîtres d’ouvrage.

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Entre décembre 2002 et mai 2003 les habitants de Notre-Dame des Landes et de neuf autres petites communes au nord de l’estuaire de la Loire se sont livrés à un exercice inhabituel. Le sujet en était la construction envisagée par l’Etat d’un nouvel aéroport pour desservir le Grand Ouest à l’horizon 2010, à la place de l’actuelle plate-forme de Nantes-Atlantique. Les réunions publiques se sont succédées dans une ambiance d’abord houleuse, parfois même agressive, puis progressivement moins tendue. D’autres ont été organisées dans les principales agglomérations de Bretagne et des Pays de Loire. Des représentants de la Direction générale de l’aviation civile et de la Chambre de commerce et d’industrie de Nantes ont tenté de convaincre de l’utilité du projet un public en majorité hostile, quand il était composé de riverains. Cette confrontation s’est déroulée sous l’arbitrage d’un ancien président de la SNCF, Jean Bergougnoux, que l’on peut supposer expert en situations difficiles, et sous l’œil inquiet de quelques élus. Cela s’appelle un « débat public ».

Cela fait quelques années que se pratique en France cette forme de concertation sur les grands projets d’aménagement, à la fois novatrice, inédite et controversée. Novatrice parce qu’elle est assez différente des expériences étrangères auxquelles on peut la comparer en Europe ou en Amérique du Nord. Inédite parce qu’elle tranche incontestablement avec les pratiques qui ont été de mise jusqu’à présent dans ce vieux pays étatiste et centralisé qu’est la France, même si la législation avait entamé une évolution depuis les années quatre-vingt. Controversée enfin parce que la dizaine de débats publics organisés depuis 1997 a suscité, presque à chaque fois, des critiques véhémentes, tant du côté des maîtres d’ouvrage qui s’estiment indûment freinés dans leur action, que de celui des associations de riverains et de défense de l’environnement qui ont souvent le sentiment d’être bernées par une concertation en trompe-l’œil.

Quel bilan peut-on tirer de cette expérience ? Faut-il y voir une avancée de la démocratie ou « un gadget » selon l’expression de Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement (1993-1995) ? Quelle part de pouvoir se joue réellement dans le débat public : simple information, concertation ou codécision ? Quelles conséquences ces expériences de concertation ont-elles sur les relations et les rapports de force entre les acteurs qui font l’aménagement - élus, fonctionnaires, entreprises - et les associations qui le contestent ? A quoi, à qui sert le débat public ?

Ces questions méritent d’autant plus d’être posées que la loi sur la démocratie de proximité de février 2002 a prévu une extension du champ de la procédure du débat public. Jusque-là réservée aux projets d’intérêt national elle s’appliquera désormais à des projets nettement plus modestes dès lors que ceux-ci sont susceptibles par leurs conséquences environnementales de provoquer une controverse ou un conflit. Neuf débats publics ont été menés entre 1997 et 2002, il devrait y en avoir entre cinquante et quatre-vingt dans les cinq ans à venir. Ce qui relevait jusque-là de l’exception est en train de devenir, sinon une sorte de norme, du moins une référence dans l’élaboration des décisions d’aménagement du territoire.

A l’origine, un problème géopolitique.

L’expérience française du débat public a déjà fait l’objet d’une littérature relativement abondante - publications du Ministère de l’Equipement pour en populariser la méthode, retours d’expérience de responsables de la CNDP, travaux de chercheurs, juristes, sociologues, politologues [1]. Que peut apporter de plus la démarche géopolitique ?

Peut-être une vision moins idéalisée, moins angélique, moins politiquement correcte de cet OVNI administratif et politique qu’est le débat public. Le discours officiel avance que celui-ci n’existe que pour « améliorer » la décision publique. Cette formulation consensuelle pose davantage de questions qu’elle n’apporte de réponses : que signifie en effet « améliorer » une décision ? Qu’est-ce d’ailleurs qu’une « meilleure » décision et sur quels critères la juge-t-on meilleure qu’une autre ? N’est-ce pas précisément parce qu’il n’y a plus consensus dans la société française sur ce qu’est une bonne décision et une bonne politique en matière d’aménagement qu’existent aujourd’hui des débats publics ?

Comment continuer à produire de grands aménagements face à la révolte des riverains et à la pugnacité des écologistes ?

La procédure du débat public est née d’un constat tout ce qu’il y a de plus géopolitique : il est désormais de plus en plus difficile à un aménageur, quel qu’il soit, de mener à bien un projet d’infrastructure sans se heurter à l’opposition d’une partie au moins de la population concernée. Et cette opposition est d’une efficacité croissante, c’est-à-dire qu’elle est capable de plus en plus souvent d’obtenir des modifications substantielles des projets - changement de tracé (A 83 dans le Marais poitevin), passage en tunnel (A 14, TGV Méditerranée), dispositifs anti-bruit, etc. - ou même dans certains cas d’en empêcher purement et simplement la réalisation (autoroute A 400 entre Annemasse et Thonon-les-Bains, canal Rhin-Rhône, prolongement de l’A16 en Seine-Saint-Denis).

Ces conflits, quelle qu’en soit l’issue, se traduisent presque toujours par des délais considérables dans la réalisation des projets, générant pour l’aménageur des coûts supplémentaires et pour la société des pertes socio-économiques (mais aussi, disent les opposants, des gains plus importants encore en évitant de coûteuses erreurs). Le passage

en souterrain de l’A14 à travers la forêt de Saint-Germain, par exemple, a plus que doublé le coût de cette autoroute. Le tunnel imposé par les habitants des Pennes-Mirabeau a alourdi à lui seul la facture du TGV Méditerranée de 150 millions d’euros. D’autres projets sont toujours à l’arrêt ou n’ont été réalisés que partiellement et avec des années de retard (A28 Le Mans-Tours, tunnel du Somport et axe routier de la vallée d’Aspe).

Les opposants aux projets d’infrastructures ont en effet appris à maîtriser toute une palette de moyens d’action, allant des manifestations pacifiques (chaîne humaine, défilé coloré et ludique, occupation des chantiers, blocage de trains) à de véritables opérations de commandos contre les chantiers (avec destruction des engins, et dans certains cas limites sabotage des travaux), en passant par l’utilisation de relais politiques ou médiatiques. Ils mènent des mois ou des années durant de véritables guérillas juridiques en utilisant tous les biais possibles : achat de parcelles par des centaines de sympathisants sur le tracé de l’infrastructure pour compliquer et ralentir les expropriations, contestation des déclarations d’utilité publique devant les tribunaux administratifs, recours devant la cour européenne de justice pour non-respect des directives européennes ou de traités internationaux... Compte tenu des délais déjà très importants de gestation des projets (souvent une douzaine ou une quinzaine d’années entre les premières esquisses et la mise en service), les années supplémentaires ajoutées par le conflit ont des conséquences désastreuses pour l’aménageur.

C’est dans ce contexte que doit être comprise la naissance du débat public. A l’origine de la nouvelle procédure il n’y a pas un projet politique d’extension de la démocratie ; le débat public ne figure d’ailleurs au programme d’aucun des partis politiques qui se sont affrontés aux législatives de 1993, deux ans avant la loi Barnier. Il ne s’agit pas davantage d’une sorte de nuit du 4 août du corps des Ponts et Chaussées, si présent à la tête des grands services de l’Etat et des grands maîtres d’ouvrage publics et privés. En réalité l’objectif n’était pas tant d’améliorer le processus de décision publique en matière d’aménagement, d’apporter une réponse à « un problème commun : comment décider mieux ? » [2], que, beaucoup plus trivialement, de pouvoir continuer à aménager dans un contexte devenu très difficile, en désamorçant le conflit le plus en amont possible, avant que le projet ne soit finalisé, avant l’enquête publique, avant que les opposants ne puissent attaquer la déclaration d’utilité publique devant les tribunaux administratifs. Les difficultés rencontrées par la SNCF pour faire accepter le tracé du TGV Méditerranée dans la vallée du Rhône et aux abords de Marseille semblent avoir joué un rôle déterminant dans cette prise de conscience. Le débat public, même s’il peut avoir des conséquences tout à fait positives sur les processus de décision et sur les pratiques des uns et des autres, comme on le verra plus loin, n’est donc pas la conséquence d’un choix politique autonome, volontaire. C’est, au départ, une réponse imposée, une tentative de reprendre la main, au prix éventuellement d’une prise en compte de certaines des revendications des opposants, une concession aux contraintes politiques nouvelles qui se sont imposées aux aménageurs, élus, ingénieurs, du fait de l’activisme des riverains et des défenseurs de l’environnement, de leur révolte systématique. La plupart des maîtres d’ouvrage ne s’y engagent d’ailleurs qu’avec une certaine réticence et cette réticence explique sans doute qu’il ait fallu près de deux ans entre le vote de la loi Barnier (février 1995), la publication des décrets d’application et l’installation de la commission nationale du débat public (novembre 1997).

L’aménagement, une affaire de pouvoir.

Ce qui se joue dans ces conflits et dans les tentatives des aménageurs de les gérer « au mieux » c’est d’abord en réalité du pouvoir. Et les relations conflictuelles, qu’entretiennent les différents acteurs parties prenantes de ces conflits, expriment des rivalités de pouvoir sur des territoires. Non pas sous la forme classique que prennent ces rivalités dans des questions de géopolitique externe, c’est-à-dire en termes de souveraineté politique, de contrôle exclusif d’un espace par un Etat. Le contrôle dont il s’agit ici, et que se disputent, par exemple, de grandes entreprises de transport comme la SNCF et RFF, ou Aéroport de Paris, et les riverains des futures infrastructures, est un contrôle « pour usage ». Ce qui intéresse et motive les différents acteurs du conflit c’est l’utilisation qui sera faite d’un espace sur lequel ils ont des vues opposées et qui est porteur pour chacun d’entre eux de prestations, de gains en partie contradictoires, en termes d’activité économique, de valeur patrimoniale, de qualité ou de modes de vie. Et donc la possibilité d’ « user » du territoire en fonction de ses propres intérêts.

L’espace du conflit, celui dont il importe pour l’aménageur de s’assurer une forme de maîtrise, est donc bien plus large que l’espace techniquement nécessaire à la réalisation et au fonctionnement de l’infrastructure (et sur lequel il s’efforcera d’obtenir un contrôle juridique fort, par l’acquisition des terrains). Il englobe l’espace d’où peut surgir la contestation qui menacerait la réalisation de l’infrastructure, espace qui correspond plus ou moins à l’espace des nuisances, large de quelques kilomètres dans le cas d’une autoroute ou d’une voie ferrée, et bien sûr bien plus étendu dans le cas d’un aéroport.

Des évolutions profondes dans le champ social, politique et culturel.

La fin du consensus.

Cette situation de blocage s’est constituée progressivement. Il faut pratiquement attendre le milieu des années soixante-dix pour voir apparaître des conflits autour de projets d’aménagement et une dizaine d’années encore avant qu’ils se multiplient. Jusque-là régnait un double consensus. Consensus sur la nécessité de l’aménagement, d’une politique d’équipement ambitieuse et extrêmement volontaire pour rattraper le retard accumulé sur les pays voisins, notamment en matière d’autoroutes, et assurer l’indépendance énergétique du pays (programme nucléaire). Consensus sur la légitimité de l’Etat et de ses ingénieurs à déterminer le contenu , le rythme et les priorités de cette politique d’équipement. Ce double consensus s’appuyait sur un corpus de représentations partagées par l’ensemble de la société, y compris les victimes directes des projets d’aménagement (expropriés, riverains), et basées sur les objectifs de modernisation et d’enrichissement du pays et qui formaient un véritable projet politique commun à l’ensemble de la Nation, transcendant des clivages partisans droite / gauche pourtant très forts. L’opposition se limitait à des projets caricaturaux et extrêmement particuliers (programme de voies express dans Paris intra-muros abandonné par Giscard dès 1977) et à quelques queues de comète de mai 68 (lutte contre des projets de restructuration urbaine). Il est significatif par exemple que le programme d’équipement nucléaire dont on mesure aujourd’hui les implications environnementales, s’il a été décidé par un gouvernement démocratiquement élu, celui de Pierre Messmer en 1973, n’ait fait l’objet d’aucune discussion devant l’opinion, ni d’aucun débat parlementaire.

La contestation a d’abord porté sur des projets de centrales nucléaires (Plogoff, Creys-Malville, Golfech, Flamanville, La Hague) et d’extension de camps militaires (Larzac), mêlant ainsi un courant idéologique ancien, l’anti-militarisme, et un courant nouveau dans le paysage politique français, l’écologie. Mais la généralisation des conflits autour des projets d’infrastructures dans les deux décennies suivantes relève principalement d’une autre logique, même si l’on y retrouve les militants de la protection de la nature et le thème du « Vivre et travailler au pays », popularisé par la CFDT et les paysans du Larzac.

Les conditions d’une montée en puissance des conflits autour de l’aménagement.

La montée de la contestation des projets d’infrastructures dans les décennies suivantes est loin d’être un phénomène spécifiquement français, mais elle s’appuie dans le cas de France sur une série d’évolutions majeures de la société, de l’occupation du territoire et du système politique. Evolutions dont on notera qu’elles sont loin d’être achevées, en toute hypothèse, et que leurs effets devraient donc s’accentuer dans les années à venir.

1 - Le rapport des français à leur territoire s’est profondément modifié à la fois sur le plan matériel et sur le plan symbolique.

Le pourcentage de ménages propriétaires de leur logement n’a jamais été aussi élevé (55 %), le nombre de résidences secondaires a augmenté de 40 % en vingt ans et un nombre croissant d’actifs vivent à cheval sur deux territoires de référence, l’un rural, l’autre urbain, sous l’effet conjugué de la réduction du temps de travail, du développement de l’habitat périurbain et dans une moindre mesure du télétravail. Le rôle du paysage, paysage naturel, architectural, historique, comme support de l’identité a crû considérablement. Enfin la mobilité des Français n’a jamais été aussi importante, mobilité temporaire favorisée par le développement des réseaux autoroutier et TGV, mobilité des migrations dites définitives (un Français sur dix a changé de région entre 1990 et 1999). Cette croissance de la mobilité coexiste avec un attachement renforcé au territoire, notamment quand celui-ci n’est plus territoire hérité mais choisi : les nouveaux Provençaux n’ont pas été les derniers à se mobiliser contre le tracé du TGV Méditerranée.

Le territoire proche est donc devenu pour une partie de la population un enjeu bien plus important qu’il ne l’était par le passé, comme patrimoine à la fois économique et affectif. Ce dont témoigne aussi la montée des nationalismes régionaux, sur une partie du territoire français (Corse, Pays basque, Bretagne). Le territoire fait l’objet d’un processus d’appropriation par la population qui y réside, devenant un objet de conflits entre des acteurs aux intérêts contradictoires.

2 - L’autorité de l’Etat et de ses représentants - fonctionnaires, techniciens tout autant qu’élus politiques - leur légitimité à dire ce qu’est le « bon aménagement » sont désormais radicalement contestées.

Les transferts de compétences résultant de la décentralisation et de l’intégration européenne se sont accompagnés d’un partage de la légitimité politique. L’effet a été d’autant plus ravageur que dans le même temps l’image de l’Etat était atteinte par une série de scandales politico-sanitaires (vache folle, sang contaminé, hormone de croissance) et par son incapacité à lutter contre le chômage et l’insécurité. On est ainsi passé d’une culture de l’autorité à une culture de la négociation entre plusieurs acteurs publics porteurs de discours concurrents se réclamant chacun de l’intérêt général et cette évolution a laissé le champ libre à la contestation par les acteurs non-institutionnels. La définition même de l’intérêt général a commencé à poser problème.

Le projet de modernisation et de développement du pays, qui forme la base de la culture des ingénieurs et de la plupart des élus, est aujourd’hui concurrencé par des projets alternatifs, celui de l’écologiste, mais aussi par celui du riverain, plus terre-à-terre et défensif, puisque visant au seul maintien du statu quo.

Ce que la société française peut définir comme un bon aménagement est donc désormais le résultat d’un jeu de forces entre des acteurs - habitants, associations, élus, entreprises, administrations - ayant des logiques et des représentations, des intérêts fort différents. Cet équilibre varie dans le temps, en fonction d’une série d’évolutions culturelles, économiques, géographiques et politiques. Il varie dans l’espace selon que l’infrastructure concerne une région enclavée ou en crise économique, une région colonisée par les résidences secondaires, une région densément peuplée ou une région au riche patrimoine naturel, une plaine céréalière ou un vieux bassin industriel. Il varie enfin selon les projets d’aménagement eux-mêmes, certains « passant mieux » que d’autres. L’intérêt général est devenu une affaire de point de vue.

3 - L’augmentation du niveau de formation de la population (15 % de la population a fait des études supérieures, contre 10 % au début des années quatre-vingt) se traduit par la croissance de la part des cadres dans la population, donc d’individus outillés intellectuellement et socialement pour mener un combat efficace contre les ingénieurs.

Les nouveaux projets d’infrastructures doivent donc être menés à bien dans un paysage collectif en complète réorganisation, avec à la fois une moindre utilité objective de ces projets, au fur et à mesure que le territoire est équipé, une crise des représentations qui les justifiaient jusque-là, une remise en cause des acteurs qui les portent, enfin l’implication et le développement d’un acteur nouveau, les couches moyennes. Ainsi se trouvent réunies les conditions d’une augmentation du nombre et de l’intensité des conflits.

Plus généralement on peut se demander si on n’assiste pas à un glissement de la conflictualité du champ du social (faiblesse du syndicalisme, du nombre d’heures de grève) vers celui du territoire. Comme si dans bien des cas le territoire (considéré à grande échelle : quartier, vallée, ou à celle de l’agglomération, de la région) était devenu l’ultime richesse. Cette tendance concerne aussi bien les classes moyennes pour lesquelles la qualité de la vie est un enjeu majeur que d’anciens ouvriers en zone rurale exclus du monde du travail et qui trouvent dans la chasse un terrain de valorisation et de sociabilité. Elle va au-delà d’un simple débarquement en France du « syndrome Nimby » [3], évoqué de plus en plus fréquemment par les médias. La violence du conflit entre chasseurs et écologistes, celle des réactions aux marées noires, la montée des revendications régionalistes, mais aussi tout une série de conflits autour de petits équipements sur de tout petits territoires (centres d’accueil pour jeunes délinquants ou pour toxicomanes, nouveaux programmes HLM dans le cadre de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain, etc.) montrent bien que les questions « à qui le territoire ? », « pour y faire quoi ? », « au service de qui ? » sont en train de devenir centrales et qu’elles focalisent des intérêts opposés et mobilisent une dimension affective et symbolique passionnelle.

Un objet politico-administratif d’un type nouveau.

Un dispositif léger, mi- permanent, mi- temporaire

Le dispositif imaginé par la loi Barnier de février 1995 est à deux étages. Une Commission nationale du débat public (CNDP) est chargée d’en assurer le pilotage et en constitue l’élément permanent. Elle est composée de vingt-et-un membres, nommés par le Gouvernement pour cinq ans. La composition de la CNDP vise à l’évidence une certaine impartialité et une certaine pluralité d’approches : outre un président et deux vice-présidents, elle comprend quatre hauts magistrats, huit élus, dont un député, un sénateur et six élus locaux, enfin six représentants de la société civile (grandes associations de protection de l’environnement, associations d’usagers et de consommateurs, personnalités qualifiées) [4]. La personnalité et l’itinéraire du président et des deux vice-présidents sont évidemment déterminants parce qu’ils sont les seuls à suivre à plein temps les dossiers soumis à la CNDP : après Hubert Blanc, ancien préfet de région, démissionnaire, un président plus politique, Pierre Zémor, nommé par Lionel Jospin en février 2001, ancien conseiller en communication de Michel Rocard, conseiller d’Etat et conseiller régional d’Ile-de-France, a été remplacé début 2002 par un ancien préfet de région (Poitou-Charentes, Bretagne), Yves Mansillon ; les deux vice-présidents actuels sont issus respectivement du Conseil national des Ponts et Chaussées et du monde associatif.

Le rôle de la CNDP est surtout décisif en amont du processus du débat public : c’est elle qui choisit de retenir ou de rejeter les demandes de saisine dont elle fait l’objet [5] ; ce droit de rejet n’est pas de pure forme : la CNDP l’a déjà exercé à deux reprises notamment à propos de l’itinéraire routier à grand gabarit entre Langon et Toulouse, construit pour acheminer le futur airbus A 380. C’est elle également qui décide des modalités de la concertation locale et au cas où celle-ci nécessite la mise en place d’une commission particulière, c’est elle qui en choisit les membres et le président.

Au niveau local une petite équipe temporaire est mise en place pour chaque concertation, avec une durée de vie de huit à dix mois. Elle prend dans la majorité des cas la forme d’une « commission particulière » du débat public, formée de trois à sept membres, magistrats, anciens commissaires enquêteurs, ingénieurs des Ponts, hauts fonctionnaires à la retraite, responsables associatifs ; elle est toujours présidée par un membre de la Commission nationale. Mais dans certains cas la CNDP peut décider de « sous-traiter » la concertation au maître d’ouvrage lui-même (le Commissariat à l’Energie Atomique dans le cas de l’extension des installations de Cadarache) ou au préfet du département concerné et se contente de suivre de loin le bon déroulement du processus, voire préconise une simple consultation.

La concertation publique elle-même dure de quatre à six mois et consiste essentiellement en la tenue de réunions, qui peuvent être ouvertes à tous et porter sur la globalité du projet, ou thématiques, ou encore réservées à un catégorie d’acteurs particuliers (les élus locaux, les responsables économiques locaux). Le recours à d’autres supports est de plus en plus fréquent : lettre d’information, site internet, numéro vert, expositions, dépliant, montage vidéo, carte « T » publiée dans la presse régionale. Le maître d’ouvrage rédige un dossier d’information sur le projet, richement illustré, et le diffuse largement au démarrage de la concertation. Les participants ont toute liberté pour intervenir, par la parole, par écrit, par de simples réactions ou des questions, ou par des contre-propositions plus charpentées, voire des rapports d’expertises. A l’issue de la phase publique de la concertation l’ensemble des arguments et des prises de position est synthétisé par la commission particulière et transmis à la CNDP avant d’atterrir sur le bureau des ministres concernés.

Les neufs débats publics menés à terme depuis 1997 portaient sur des projets d’infrastructures très divers : extension des ports du Havre (1997-1998) et de Nice (2001-2002), autoroute A32 entre Metz et Nancy (1998) et branche sud du TGV Rhin-Rhône (2000), contournement autoroutier et ferroviaire de Lyon (2001-2002), ligne électrique à haute tension entre Boutre et Carros dans le sud des Alpes, à travers le parc du Verdon (1998), mais aussi centre de conditionnement et d’entreposage de déchets radioactifs de Cadarache (2001) et traitement du site gazier de Lacq (2001) ; animé par Pierre Zémor, es-qualité, et non dans le cadre des missions de la CNDP, le débat de 2001 sur le lieu d’implantation du troisième aéroport parisien (DUCSAI) se rattache par bien des aspects à cette nouvelle procédure. Huit autres débats sont en cours ou décidés. Outre celui de Notre-Dame des Landes, ils concernent trois projets de lignes à très haute tension (France-Espagne, Lyon-Chambéry et ligne du Quercy Blanc dans le Lot), un projet de barrage (Charlas en Haute-Garonne), le projet de liaison ferroviaire desservant directement Roissy depuis Paris (Charles de Gaulle Express), le contournement autoroutier de Bordeaux et l’autoroute Amiens-Lille-Bruxelles.

La loi du 27 février 2002 a renforcé l’indépendance de la CNDP, qui est devenue une autorité administrative indépendante comme la CNIL ou le CSA, accru son champ de compétence (notamment sur des projets dont le maître d’ouvrage est privé) et augmenté les possibilités de saisie. Jusque-là réservée aux très grands projets (au moins 300 millions d’euros ou, par exemple, 80 kilomètres pour une autoroute), la procédure s’applique désormais à des projets deux à quatre fois moins importants, à partir de 150 millions d’euros ou de 20 kilomètres d’autoroute ; la CNDP est saisie automatiquement au-dessus de 300 millions d’euros (ou de 40 kilomètres pour une autoroute) ; en dessous de ce seuil la liste des acteurs susceptibles de saisir la commission a été élargie aux collectivités territoriales et aux structures intercommunales. Enfin, par souci de transparence, les avis de la CNDP sont désormais rendus publics.

Une aide à la décision et non un partage du pouvoir de décision.

Comprendre la mission de la CNDP implique un distinguo assez subtil entre le rôle que la loi fixe à la CNDP et ce qu’elle attend du processus collectif que constitue le débat public. Les commissions particulières et la commission nationale ne sont pas censées se prononcer sur le fond des projets [6]. Le « compte-rendu de débat » (le terme lui-même a été choisi à dessein) que la CNDP remet au ministre ou au maître d’ouvrage à l’issue de la phase de débat public ne doit pas comporter de recommandations, ni sur l’opportunité de réaliser l’infrastructure, ni sur les différentes variantes du projet. Le rôle de la CNDP et des commissions particulières se limite à mettre en place et animer des opérations ponctuelles de concertation, à veiller à ce qu’elles se déroulent dans les meilleures conditions de transparence et de dialogue et à en restituer au final le contenu à celui qui demeure le décideur, à savoir le maître d’ouvrage, ou plus exactement puisqu’il s’agit de projets d’une certaine dimension, aux Ministres concernés.

Mais le processus du débat public, les quatre à six mois de débats locaux produisent, eux, de l’expertise (soit en obligeant le maître d’ouvrage à aller plus loin dans l’analyse des impacts, soit par les contre-expertises demandées par les autres participants) et des prises de position tranchées, souvent contradictoires, qui sont issues de la participation des autres acteurs et dont ils sont seuls responsables. L’Etat est alors libre de reprendre à son compte tout ou partie de ces arguments et de modifier ou non le projet initial. Cette distinction permet à la fois de doter la commission particulière d’une image de neutralité fort utile pour le bon déroulement des débats, d’en faire un garant de l’honnêteté de l’exercice, et de préserver la liberté de choix finale du maître d’ouvrage. A la liberté totale du débat répond la liberté totale de la décision. Le débat public ne lie pas le décideur, il l’informe.

On peut tirer de ce constat une première hypothèse : en mettant en place ce dispositif l’Etat n’a pas choisi de partager son pouvoir, mais seulement cherché à le rendre plus acceptable, en intégrant dans la décision les concessions nécessaires. Le débat public relève ainsi non pas d’un processus de codécision, mais d’un objectif d’extension et d’amélioration de la concertation. L’expérience française va donc à la fois beaucoup plus loin que certaines expériences étrangères (conférences publiques de consensus au Danemark, jurys de citoyens en Allemagne, etc.), qui sont basées sur l’intervention d’un échantillon de citoyens, censé être représentatif, et beaucoup moins loin que les référendums organisés en Suisse, par exemple sur la question des transports de marchandises à travers les Alpes [7].

Le débat public, mode de gestion des rivalités de pouvoir et de projets sur le territoire.

Le débat public produit-il de l’apaisement dans les conflits d’aménagement ?

On ne peut pas dire que le visionnage du reportage de France 3 consacré au débat public sur l’extension du port de Nice pendant l’hiver 2001-2002 [8] laisse une impression de très grande sérénité : chahut permanent, invectives, intimidations, manipulations, un président visiblement dépassé par la violence de la situation... Indéniablement les opposants à la construction d’un nouveau quai pour l’accueil des paquebots de croisière, principalement des propriétaires d’appartements qui risquaient de perdre dans l’affaire une vue imprenable sur la baie des Anges, ont su offrir une caricature de débat public. Il faut certes faire la part du climat politique particulier de Nice et de la Côte d’Azur après plusieurs décennies de système Médecin et de clientélisme, perpétué par la municipalité Peyrat. Le débat de Nice est resté jusqu’à présent un cas limite, une sorte de cas d’école offert à la méditation des membres des futures commissions particulières. Mais l’expérience de plusieurs autres débats, notamment celui de la DUCSAI et des contournements routiers et ferroviaires de Lyon, montre que l’exercice du débat public se prête à toutes sortes de dérapages, peut glisser facilement du dialogue à l’affrontement et débouche souvent sur un vrai sentiment de frustration.

A l’inverse plusieurs débats publics sont considérés comme des réussites. Celui sur l’autoroute A32, qui devait doubler l’A31 entre Nancy et les frontières allemande ou luxembourgeoise, n’est pas critiqué par les opposants ; il est vrai qu’il s’est soldé par l’abandon du projet. La même raison joue dans le cas du projet de ligne à haute-tension Boutre-Carros, à laquelle EDF a fini par renoncer, mais il faut y ajouter la méthode appliquée par le président de la commission particulière, sa gestion sur mesure des acteurs, et aussi sans doute la très faible densité de la population, avec un débat itinérant se déplaçant dans des communes de petite taille.

L’impact du débat public sur les jeux et rapports de forces entre les acteurs :

1- les associations renforcées.

Le débat public n’est pas seulement un moment où s’affrontent et s’échangent des arguments. C’est aussi un moment où se constitue du pouvoir et où les rapports de forces et les relations entre acteurs se modifient.

Les trois grandes associations nationales (FNE, WWF, CSCV) qui siègent à la CNDP sont confortées par le débat public dans leur rôle d’interlocuteurs du Gouvernement, qui les a choisies pour leur représentativité. Leurs représentants se sont vus confier l’animation ou le suivi de deux débats publics (la secrétaire générale de la CSCV a animé le débat sur l’A32, le président de FNE, à l’origine de la saisie de la CNDP, a suivi celui conduit par le CEA sur le site de Cadarache). Le dialogue avec le maître d’ouvrage peut même aller jusqu’à un sorte de coopération : si France Nature Environnement a saisi la CNDP pour que soit organisé un débat public sur le projet de ligne Boutre-Carros, c’est après avoir été sollicitée par EDF ! Cependant le débat public n’est pour ces grandes associations qu’un élément parmi d’autres d’une relation plus large avec les Pouvoirs publics, qui se joue sur de très nombreux dossiers : la mise en œuvre de Natura 2000, l’application des directives européennes, certains projets d’infrastructures hors procédure du débat public et plus généralement la politique de l’environnement, avec ses volets « chasse » et « nucléaire ». L’enjeu est donc pour elles important, mais pas vital. Le débat public renforce ce qu’on pourrait appeler leur statut de « partenaires environnementaux » - quasi équivalents des « partenaires sociaux » que sont les syndicats - statut fait à la fois de concertation, de négociation, du dialogue entretenu dans d’innombrables colloques et bien sûr de travail revendicatif et de militantisme.

Pour les associations de riverains qui se sont constituées pour combattre le projet l’enjeu est tout autre. Le débat public constitue pour elles une occasion unique et inespérée de se faire entendre et d’obtenir gain de cause. Une des premières conséquences d’un débat public est en effet de donner une tribune aux opposants au projet. C’est-à-dire à la fois un statut et un public. Le débat permet d’abord un accès bien meilleur à l’information et celle-ci est véritablement le nerf de la guerre. Bien sûr le dossier de présentation rédigé par le maître d’ouvrage montre le projet sous son meilleur jour et a tendance à gommer ses zones d’ombre (impacts environnementaux, fragilité des prévisions de trafic ou de coût). Mais il a le mérite de proposer une information claire, dont la compréhension est facilitée par la mise en page, une infographie abondante, contrairement aux dossiers d’enquête publique, lourds de plusieurs centaines de pages et rédigés par des techniciens pour d’autres techniciens, donc parfaitement impénétrables pour le commun des mortels. Sur la base de cette information il est relativement facile pour les militants d’une jeune association d’identifier les faiblesses du dossier et de s’atteler à l’élaboration d’une contre-argumentation.

Le public est en premier lieu celui des réunions organisées par la commission, qui peuvent regrouper jusqu’à plusieurs centaines de personnes réunies dans un gymnase ou dans la plus grande salle d’un palais des congrès. Au-delà des présents, c’est l’occasion pour les opposants de toucher l’opinion locale et régionale, grâce au relais de la presse régionale, qui rend compte de toutes les réunions, des journaux télévisés de France 3 et, de manière plus occasionnelle, de la presse nationale. L’écho dans la presse des différents débats publics organisés jusqu’à présent varie considérablement d’un dossier à l’autre : faible dans le cas des débats de Cadarache et de Lacq, ainsi bizarrement que dans celui des contournements routier et ferroviaire de Lyon (70 articles), il est beaucoup plus important (entre 200 et 400 articles) dans le cas de l’A32, du TGV Rhin-Rhône, de Boutre-Carros et s’envole littéralement dans le cas du troisième aéroport parisien (1200 articles !), qui, il est vrai, concernait trois régions et huit sites potentiels [9]. Le débat public permet ainsi de doper l’audience des associations d’opposants et de compenser leur absence de notoriété au départ, la faiblesse de leurs réseaux et le petit nombre de leurs militants. Il établit une égalité de principe, le temps du débat, entre opposants et promoteurs du projet. Le revers de cette situation est bien sûr qu’elle pousse à la confiscation de la parole par les associations - parfois au service d’intérêts très particuliers - dans les réunions publiques, aux dépens des citoyens lambda, et à sa radicalisation, puisqu’il faut parler pour être entendu et parler plus fort et plus agressivement que les autres pour apparaître dans l’article du quotidien régional ou le « trois minutes » de France 3. Pour peu que joue l’ivresse d’être sous les projecteurs (qui saisit aussi parfois les présidents de commissions particulières, mais rarement les élus et le maître d’ouvrage) et que se mette en place une dynamique de confrontation et de surenchère entre acteurs opposés, le débat dérape rapidement vers le spectacle, voire le happening. L’effet de « haut-parleur » qui est celui du débat public, pendant les quatre mois que dure la phase de concertation publique, s’il est sans doute globalement positif, peut donc avoir pour effet pervers de décrédibiliser complètement le débat.

2 - Les maîtres d’ouvrage plus vulnérables.

« Acceptabilité » : l’expression revient de manière récurrente dans les colloques ou les réflexions consacrés au débat public. Il dit bien l’enjeu que celui-ci représente pour les maîtres d’ouvrage. Le débat public est d’abord pour eux une étape peu agréable, mais nécessaire, qui vise à rendre les projets acceptables par l’opinion et donc à les protéger d’un conflit ultérieur. Pour atteindre cet objectif les maîtres d’ouvrage ont recours de plus en plus souvent à des consultants spécialisés qui déchiffrent pour eux le contexte local et les accompagnent durant la phase de concertation. Ils se dotent en interne de « missions d’appui à la concertation », de « délégations au développement durable », recrutent des experts, jeunes docteurs frais émoulus de l’université, et multiplient les séminaires avec jeux de rôles pour préparer leurs cadres aux pièges de la concertation.

Mais l’abandon du projet d’autoroute A32 et de la ligne Boutre-Carros montre bien qu’en se soumettant au débat public le maître d’ouvrage prend un vrai risque. A Nice le projet d’extension du port n’est plus défendu aujourd’hui que par la Chambre de Commerce et la municipalité, réélue avec seulement 3 500 voix d’avance en mars 2001, a choisi de ne pas s’aliéner de nouveaux électeurs. Le projet de contournement de Lyon est lui aussi au point mort devant l’importance de la mobilisation des opposants tant à l’ouest qu’à l’est de l’agglomération. La démarche de la DUCSAI pour clarifier le choix

du site du troisième aéroport parisien s’est, elle, achevée par un retour à la case départ : le 10 mai 2002, moins d’une semaine après sa nomination comme Ministre de l’Equipement et des Transports, Gilles de Robien annonçait la « remise à plat » du choix de Chaulnes (à trente kilomètres d’Amiens, dont il était jusque-là le maire) pour accueillir la nouvelle plate-forme. Le débat public peut donc se traduire - et dans cinq cas sur neuf entre 1997 et 2002 s’est effectivement traduit - par un enlisement durable du projet ou par une défaite du maître d’ouvrage, défaite qui, sans le débat, aurait nécessité une très forte mobilisation locale (façon canal Rhin-Rhône).

Enfin, lorsque le débat se clôt de manière satisfaisante pour le maître d’ouvrage, celui-ci n’est pas nécessairement tiré d’affaire si une partie des opposants a le sentiment

que le débat n’a pas porté sur les vraies questions, qu’il a été tronqué ou, pire, truqué. Quel sens a un débat sur la branche sud du TGV Rhin-Rhône si son tracé est conditionné par celui des deux autres branches, déjà décidé ? L’effet pacificateur du débat public ne joue pas quand des participants sont convaincus qu’il y a manipulation. Ainsi dans l’affaire de Port 2000, lorsque le port autonome du Havre a sorti de ses cartons, dans les derniers jours du débat public, une variante technique « améliorée » (par l’ajout d’une vasière artificielle), trop tard pour que les opposants puissent réellement réagir. Ou dans celle du contournement autoroutier de Lyon par l’ouest (projet très mal reçu par la population et les acteurs locaux) que la Direction régionale de l’Equipement avait choisi au dernier moment de lier à la question du contournement ferroviaire fret par l’est, en espérant désamorcer la contestation. La manœuvre a échoué, étendant l’incendie au lieu de le calmer.

L’objectif, parfaitement légitime, de faire passer un projet auquel le maître d’ouvrage croit et qui va dans le sens de ses intérêts, coexiste cependant de plus en plus avec une volonté de faire évoluer les pratiques et la culture de l’entreprise pour mieux prendre en compte les points de vue extérieurs et en finir avec l’arrogance qui a longtemps caractérisé les grands entreprises publiques et les grands corps d’ingénieurs de l’Etat. Comme si, au-delà de l’acceptabilité des infrastructures, était posée la question de l’acceptabilité des entreprises, de leur logique et de leurs besoins, de leur compatibilité à long terme avec les évolutions de la société [10].

3 - Les élus, entre le marteau et l’enclume.

L’implication et la position des élus varient considérablement selon la nature et la gravité des enjeux, l’échelle du territoire dont ils sont les représentants, le rapport de forces entre opposants et partisans du projet et la position de leurs alliés locaux. Lorsque les retombées économiques attendues sont importantes dans une région à fort taux de chômage et que le camp des opposants est faible, les élus s’engagent nettement en faveur du projet. Au Havre le maire RPR Antoine Rufenacht, qui venait de conquérir la ville après un règne communiste de plusieurs décennies, a soutenu Port 2000 aux côtés du patronat local, des dockers... et des députés socialistes et communistes. A Notre-Dame des Landes, devant la mobilisation des riverains, les élus ruraux, sensibles au départ à la séduction des taxes aéroportuaires et des nouvelles routes promises par la DDE, ont choisi de rester en retrait, par conviction ou par crainte de représailles électorales, ou de suivre les associations qui combattent le projet. Autour de Lyon au contraire ils ont organisé la résistance en fédérant dans un collectif plus de cent communes et 1500 élus, des groupements de vignerons et d’arboriculteurs, le parc naturel régional du Pilat, des associations écologistes et ... de chasseurs.

Quant aux maires des grandes villes voisines, même quand ils sont à l’origine du projet, ils se limitent en général à des déclarations prudentes et vont parfois jusqu’à éviter soigneusement les réunions du débat public (ainsi Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes). Certains, qui mènent à la fois une carrière de maire et de président du Conseil régional (tel Jean-Claude Gaudin face au dossier du TGV Méditerranée, avant la loi Barnier) n’hésitent pas à pratiquer le grand écart, voire le double langage, en soutenant en même temps la réalisation de l’infrastructure (en tant que maire de Marseille) et ceux qui combattent ses nuisances (en tant que patron de la droite régionale). Les élus intègrent donc le débat public dans leur stratégie, en fonction des échéances électorales et sur la base d’une analyse géopolitique plus ou moins sophistiquée, comme un moyen de consolider leur pouvoir local ou de conquérir un leadership régional, comme un risque qu’il importe de minimiser, ou même une menace qu’il faut neutraliser en pratiquant, si nécessaire, la politique de la chaise vide.

Trois questions clés : le débat sur l’opportunité des projets, l’expertise et l’évolution de la CNDP.

Où, sur quelles bases et comment débattre de l’opportunité des projets ?

Alors que la question posée est celle des modalités et dans certains cas de la localisation précise de l’infrastructure (où placer le troisième aéroport parisien ? quel tracé pour le contournement autoroutier de Lyon ? quelle solution pour accueillir le trafic de conteneurs au Havre ?), les opposants réclament de plus en plus souvent un débat sur son opportunité. A quoi sert-il en effet de discuter du contenu d’un projet d’infrastructure, si l’existence même de cette infrastructure n’est pas justifiée ? Assez logiquement les écologistes estiment qu’il n’y a pas lieu de débattre de la localisation d’une nouvelle autoroute ou d’un site d’enfouissement de déchets nucléaires, car ce qu’ils remettent en cause c’est la priorité au transport routier et le recours au nucléaire.

Les projets soumis au débat public sont souvent de par leur taille des opérations d’intérêt national et donc des éléments essentiels de la politique d’aménagement du pays, dans ses volets transport, industriel ou énergétique. Or cette politique souffre à l’évidence d’un déficit démocratique et cela bien qu’elle soit discutée à l’Assemblée nationale, au Sénat et au Conseil économique et social, que de nombreux rapports l’alimentent, souvent d’excellente qualité, rapports publics et repris par la presse [11], qu’elle soit en partie négociée avec les collectivités territoriales concernées, et enfin qu’elle soit adoptée selon des procédures régulières, lors de Comités interministériels d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) ou via de grandes lois- cadres. Mais ces réflexions sont ignorées par l’opinion publique. Les questions d’aménagement du territoire sont pratiquement absentes du débat électoral, sauf du côté des Verts. Le débat sur la politique nationale d’aménagement du territoire reste une affaire de spécialistes, professionnels du transport, hauts fonctionnaires, chercheurs, ou de parlementaires qui ont choisi de se spécialiser dans ces questions [12]. Du coup le processus d’adoption de ces grandes stratégies d’aménagement souffre du discrédit qui frappe les technocrates et la démocratie représentative.

La question de l’expertise.

Décider de l’opportunité d’un projet implique de travailler à partir d’expertises. Or la plupart des projets de grands équipements sont des projets à très long terme, dont la réalisation doit être décidée dix, quinze ou vingt ans avant leur mise en service, sur la base de prévisions nécessairement fragiles. Le débat part d’une expertise unique, celle du maître d’ouvrage, évidemment suspecte aux yeux des opposants et élaborée au cours d’années de travail préalable. Dans le cas de Port 2000 le port autonome jouait à la fois le rôle de maître d’ouvrage et d’expert (du moins sur tout le volet de l’économie portuaire du projet et de sa réalisation technique), puisque c’est lui que la commission particulière avait chargé d’élaborer les différentes variantes soumises au débat [13]. Comment introduire dans le débat une contre-expertise, produite par un expert indépendant, dans le délai très court du débat public (quatre à six mois) et comment la financer ? Dans le cas de la DUCSAI Pierre Zémor a fini par accorder aux opposants une contre-expertise, réalisée en deux mois par un cabinet britannique, qui faute de temps s’est limité à une lecture critique des documents produits par la Direction générale de l’aviation civile. Le plus souvent les expertises nouvelles portent sur des points particuliers négligés par l’étude du maître d’ouvrage, comme l’impact sur les milieux naturels.

Le modèle suisse, une référence ?

Depuis le début des années soixante-dix les électeurs suisses se sont prononcés à six reprises sur la politique d’aménagement du territoire : en 1972 une première votation a interdit la circulation sur le territoire de la Confédération des poids lourds de plus de 28 tonnes (charge comprise), provoquant un report du trafic routier de transit vers les passages français et autrichiens ; en 1990 les électeurs ont adopté un moratoire sur la construction de centrales nucléaires, avant d’y renoncer en mai 2003 ; en septembre 1992 c’était le tour d’un programme très ambitieux de développement du trafic de marchandises par le rail avec la création de deux nouvelles liaisons ferroviaires à travers

les Alpes (NLFA), comportant quatre très longs tunnels de base (dont celui du Lötschberg - 34 kilomètres de long, et celui du Saint-Gothard - 57 kilomètres) ; deux ans plus tard, en février 1994, les électeurs ont adopté « l’Initiative des Alpes », présentée par les groupes écologistes, qui prévoit le transfert sur le rail du trafic des poids lourds en transit ; en 1998, enfin, la population a voté la création d’une taxe sur les poids lourds pour financer les nouveaux tunnels. Le débat n’a pas toujours brillé par sa cohérence et n’était pas exempt d’arrière-pensées. Les cantons montagnards ont voté successivement contre les camions (en 1972) et contre le ferroutage (en 1992) ; les écologistes les plus radicaux, à l’origine du référendum de 1992 étaient hostiles aux nouveaux tunnels ; deux ans plus tard d’autres écologistes faisaient adopter le transfert obligatoire des camions sur les navettes ferroviaires .... qui passeront par ces mêmes tunnels ! En votant lors de ces consultations les électeurs avaient bien sûr en tête les relations avec l’Union Européenne, les écologistes et les cantons montagnards les plus conservateurs se retrouvant pour refuser en même temps l’adhésion à l’Espace économique européen, la libre circulation des camions européens et le droit pour les étrangers d’acquérir des propriétés immobilières en Suisse (référendum de décembre 1992). Mais malgré ces défauts la méthode référendaire a permis l’adoption avec beaucoup d’avance sur les pays voisins d’une politique audacieuse et cohérente, y compris de son plan de financement [14].

Ce recours au vote populaire a deux avantages évidents sur l’adoption d’un programme d’investissements par le Gouvernement et le Parlement, comme c’est le cas en France : 1- il est précédé par une campagne publique qui permet une très large information de la population et l’expression de tous les points de vue, avec une excellente couverture par les médias ; 2- il légitime beaucoup plus fortement la décision adoptée, puisque c’est le peuple qui se prononce directement. Cette légitimité est d’autant plus grande que le référendum peut se tenir à l’initiative d’opposants au projet (comme en 1972 et1992 ; on parle alors d’ « initiative populaire »), sous seule condition de recueillir 100 000 signatures. Le texte des opposants est alors soumis au vote en même temps qu’un contre-projet du Parlement. Mais le succès de la formule s’explique parce qu’est réuni en Suisse un ensemble de conditions géopolitiques très particulières : la compacité du pays (41 000 kilomètres carrés) et sa faible population (7,1 millions d’habitants), l’importance objective (25% du territoire) et subjective de la montagne (comme support identitaire collectif), qui en fait un thème très mobilisateur, les règles et les pratiques constitutionnelles (plus de 400 référendums nationaux en deux siècles et d’innombrables référendums locaux), enfin la nature et la perception des relations entre la Suisse et le reste de l’Europe, alors que la question posée était celle du trafic de transit.

Quel rôle pour les futurs référendums locaux ?

Dans quelle mesure le modèle suisse est-il transposable en France ? Jusqu’au printemps 2003 la question ne se posait pas. La Constitution de la Vème République ne prévoyait en effet de référendum qu’au plan national et seulement sur l’organisation des pouvoirs publics et la ratification des traités internationaux. Au plan local seules les fusions de communes pouvaient donner lieu à référendum local (loi du 16 juillet 1971), les autres consultations organisées par les communes n’ayant aucune valeur légale (comme celle de Chamonix en août 2001 sur la réouverture du tunnel du Mont-Blanc). La révision constitutionnelle de mars 2003, présentée comme la deuxième étape de la décentralisation par le gouvernement Raffarin, mais passée largement inaperçue en raison de la guerre américano-britannique en Irak et du mode de ratification choisie (le Congrès), en prévoyant la possibilité pour les collectivités territoriales (communes, départements, régions) d’organiser des référendums locaux sur des questions les concernant, ouvre la porte à des référendums sur les projets d’infrastructure. Cependant à la différence de la Suisse la loi ne prévoit pas de référendum d’initiative populaire.

Reste à répondre à une question essentielle et difficile : à quelle échelle territoriale faut-il interroger les électeurs ? Les projets de taille moyenne, dont beaucoup sont désormais du ressort de la procédure du débat public, rentrent sans grand problème dans le cadre prévu pour les nouveaux référendums locaux. La question est beaucoup plus complexe pour les grands aménagements. En effet plus l’infrastructure est importante moins le territoire qui bénéficie des retombées économiques de cette infrastructure et celui qui en subit les nuisances coïncident. Le contournement autoroutier de Lyon, le tunnel du Mont-Blanc, les autoroutes de liaison ou les lignes nouvelles à grande vitesse favorisent les échanges entre villes et régions éloignées et réservent leurs nuisances aux espaces qu’ils traversent, parfois sans s’y arrêter. Sur le projet de LGV Lyon-Turin faut-il consulter les habitants des seules vallées alpines ? Ceux de Rhône-Alpes ? Faut-il étendre la consultation à l’Île-de-France ou même - pourquoi pas ? - à l’Italie du Nord, dont la prospérité dépend largement de ses liaisons avec le reste de l’Europe à travers les Alpes ? Faut-il imaginer des référendums à l’échelle du pays tout entier pour les projets d’infrastructures d’intérêt national ou les grands schémas nationaux (autoroutes, lignes à grande vitesse, aéroports, etc.) ? Le risque est alors d’obtenir des taux de participation très inférieurs à ceux des « votations » suisses citées en exemple (de 45 à 55% des inscrits), si bas que les décisions adoptées n’auraient qu’une très faible légitimité politique.

Le renforcement nécessaire de la Commission nationale

La montée en puissance du dispositif du débat public risque de se heurter très vite à des problèmes de moyens et de méthodes de travail. Au point qu’on peut se demander si le Gouvernement et le Parlement, en renforçant considérablement les pouvoirs de la CNDP sans lui donner les moyens de les exercer, n’ont pas fait preuve de beaucoup de légèreté, voire d’un certain sens du bricolage institutionnel ou de l’improvisation. La loi sur la démocratie de proximité de février 2002 se traduit déjà par une très nette montée en régime : neuf débats en cinq ans (1997-2002), huit en cours ou sur le point de démarrer pour 2003 ... Le rythme de croisière pourrait être rapidement d’une douzaine ou d’une quinzaine de débats par an, soit dix fois plus qu’avant 2002. Certes à chaque débat correspond une équipe spécifique et un financement, pris en charge par le maître d’ouvrage. Mais la CNDP doit instruire les demandes de saisie, mettre en place les concertations locales, en assurer le suivi. Peut-elle le faire avec des moyens aussi modestes (outre le président et les deux vice-présidents, rémunérés à plein temps, sept permanents et un budget de deux millions d’euros en 2002) ? D’autant que la nouvelle loi lui a transféré le financement des expertises complémentaires et celui des indemnités des membres des commissions particulières. Le décret d’application charge en outre la CNDP de suivre la réalisation des ouvrages passés par un débat public jusqu’à leur mise en service (soit dans certains cas pendant quinze ou vingt ans !). Son budget est en cours de négociation avec Matignon, négociation dont l’issue conditionne la capacité de la CNDP à répondre à ses nouvelles missions. Le recours aux expertises complémentaires pourrait faire les frais d’une croissance insuffisante. Mais jusqu’où faut-il aller dans l’augmentation du coût de la procédure, sachant que le financement moyen d’un débat public (supporté par le maître d’ouvrage et donc au final par l’usager ou le contribuable) tourne déjà autour d’un million d’euros [15] ?

Le deuxième enjeu concerne le fonctionnement des commissions particulières. Constituées au gré des carnets d’adresses, fonctionnant de façon peu collégiale, avec des présidents tout-puissants, soucieux d’affirmer leur autonomie à l’égard de la commission nationale, souvent mal préparés à la conduite de réunions très conflictuelles, des membres sans formation, parfois absentéistes, sans qu’il y ait de réel partage d’expériences d’un débat à l’autre, elles ont leur part de responsabilité dans les dérives de la procédure. Sans aller jusqu’à mettre en place des délégations régionales (comme un précédent projet de loi l’avait envisagé), une certaine professionnalisation du dispositif semble indispensable, avec des séminaires de formation systématiques, une clarification des critères de désignation des membres des commissions particulières, de leurs règles de fonctionnement interne, un renforcement du rôle de suivi et même de contrôle qui doit être celui de la commission nationale.


[1Voir en particulier :

 Le débat public, une réforme dans l’Etat, sous la direction de Serge VALLEMONT, Librairie générale de Droit et de Jurisprudence, 2001.

 Evaluer, débattre ou négocier l’utilité publique ?, INRETS, Rapport en trois volumes, mars-août 2001.

 Concertation / Débat public - Quelques leçons de l’expérience, Conseil général des Ponts et Chaussées, Ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement, janvier 2002.

Pierre ZEMOR, Pour un meilleur débat public, Presses de Sciences Po, avril 2003.

[2Marianne OLLIVIER-TRIGALO, Evaluer, débattre ou négocier l’utilité publique ?, op. cit. n°233, p. 242 ; l’expression est utilisée dès 1992 dans le rapport rédigé pour Paul Quilès, Ministre de l’Equipement, par Gilles Carrère, Transport destination 2002 - Le Débat national.

[3Pour « not in my backyard », « pas dans mon jardin », expression inventée par les sociologues anglo-saxons pour désigner le refus par les riverains d’un équipement, non pour lui-même ou pour son impact sur l’environnement, mais seulement parce qu’il est prévu près de chez eux. Sur le phénomène Nimby, voir l’analyse d’Arthur JOBERT, L’aménagement en politique ou ce que le syndrome NIMBY nous dit de l’intérêt général, Politix, n° 42, deuxième trimestre 1998, pp. 67-92.

[4Parmi les membres de l’actuelle commission figurent Gérard Longuet et Adrien Zeller, présidents des Conseils régionaux de Lorraine et d’Alsace, peu présents, et des représentants du WWF, de France Nature Environnement et de la CSCV, qui pèsent lourd au moment des votes.

[5Entre 1997 et 2002 la CNDP a été saisie de onze demande de débats publics, quatre fois par l’Administration (Premier ministre, Ministère de l’environnement ou de l’équipement, préfets), deux fois par des parlementaires, cinq fois par des associations de protection de l’environnement

[6Cependant, dans la pratique, les présidents des commissions particulères résistent rarement à la tentation de donner leur avis , qu’ils se découvrent sur le tard une vocation d’aménageur ou que leur passé professionnel les y prédispose.

[7Alain ALMERAS, Géopolitique de l’aménagement : les enjeux du débat public, thèse en cours à l’Institut Français de Géopolitique.

[8Le Mag du Dimanche Méditerranée. France 3 Méditerranée, magazine du 13 janvier 2002.

[9Alain ALMERAS, op. Cit.

[10voir la politique pionnière des Ciments Calcia, analysée par Olivier HOLLARD, « Ecologie, grands projets, industrie lourde - Rivalités de pouvoirs et géopolitique locale », in Ecologie et Géopolitique, Hérodote n°100, 1er trimestre 2001, p. 180-203.

[11Pour le seul premier semestre 2003 :

 le rapport du sénateur Henri de Richemont, Un pavillon attractif, un cabotage crédible - Deux atouts pour la France (mars 2003) ;

 celui des sénateurs Hubert Haenel et François Gerbaud, Fret ferroviaire français : la nouvelle bataille du rail (mars 2003).

 Audit sur les grands projets d’infrastructures de transport de l’Inspection générale des Finances et du Conseil général des Ponts et Chaussées (février 2003) ;

 le rapport de la DATAR, La France en Europe : quelle ambition pour une politique des transports ? (avril 2003) ;

[12La mobilisation des populations et des acteurs locaux (élus, chambres de commerce, associations) ne se produit qu’à propos de projets d’aménagement précis ou de problèmes environnementaux très localisés, sauf exception comme la grande manifestation de Nantes (30 000 participants) protestant contre la marée noire de l’Erika et l’inefficacité de la politique de l’Etat en matière de sécurité maritime en février 2000.

[13Voir Philippe SUBRA, Les ports du Range nord-européen entre concurrence, mondialisation et luttes environnementales, in Littoral et frontières maritimes, Hérodote n°93, 2ème trimestre 1999, p. 124-132.

[14Le coût total des nouvelles liaisons ferroviaires est estimé à 20 milliards d’euros, soit sensiblement autant que le Tunnel sous la Manche, dont 30% seront supportés par les contribuables (taxes sur l’essence et augmentation de 0,1% de la TVA), 55% financés par une taxe sur les poids lourds et le reste par les camions qui emprunteront les navettes ferroviaires.

[15De 500 000 euros pour Port 2000 à 2,75 millions d’euros pour la DUCSAI ; voir Alain ALMERAS, op. cit. Il s’agit des coûts externes. La prise en compte des coûts internes (temps de travailet déplacements descollaborateurs du maître d’ouvrage, études supplémentaires réalisées en interne) conduirait à multiplier ces chiffres par 1,5 ou 2. Ces chiffres n’intègrent pas non plus le coût de fonctionnement de la Commission nationale.


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