La décentralisation de l’hydraulique agricole du delta du fleuve Rouge au Viêt-nam : rupture ou continuité ?
La dynamique actuelle de transformation des systèmes hydrauliques du delta du fleuve Rouge fut provoquée dans les années 1980 par l’implantation de stations de pompage locales, gérées de façon décentralisée. L’implantation des stations locales, synonyme de fragmentation technique des systèmes hydrauliques du delta, s’est en effet répercutée sur les modes de prise de décision, le financement et la régulation de la gestion de l’eau du delta dans son ensemble.
Les systèmes irrigués décentralisés contribuent aujourd’hui fortement à la performance de l’agriculture du delta, mais la nécessaire coordination du fonctionnement hiérarchisé de grands aménagements hydrauliques et la volonté de l’État de maintenir son contrôle sur la population via sa maîtrise de la ressource, constituent des limites au processus de décentralisation engagé. Aujourd’hui, des compétitions sur les ressources financières existent entre les coopératives et les compagnies, ce qui a des conséquences pour les agriculteurs sur leur accès à l’eau et le coût de l’eau, qui se différencient. De son côté l’État semble osciller entre deux postures contradictoires issues à la fois d’un jeu interne au Parti, qui gouverne le pays, et de la pression des bailleurs de fonds internationaux. L’exemple du delta du fleuve Rouge fait ainsi apparaître que la gestion de l’eau est caractérisée par la mobilité de ses institutions qui sont sujettes à des modifications constantes, au même titre que la société qui les forge.
Abstract : Is the Decentralisation of Water Management for Agriculture in Vietnam’s Red River Delta a Break a Break from Tradition ?
Decisions taken in the 1980s to establish decentralised local pumping stations in the Red River Delta continue to influence the transformation of its water management system to this day. These technical changes resulted in the fragmentary decision making, financing and regulation of water management in the delta region as a whole. The current intensification of agriculture in the Red River Delta has benefited from these changes, although further decentralisation is limited by the size and the hierarchical organisation of large scale water management works and by the State’s desire to maintain its power over the population through the control of water resources. Today, cooperatives and hydraulics companies are competing for financial resources, which creates differences amongst farmers depending on the availability and price of water. The State appears to sway on a fine political line, facing contradictory pressure from international investors and from internal rivalries within the Vietnamese Communist Party, which rules the country. The example of the Red River Delta demonstrates that water management is typified by the fluctuation of its institutions, which are under constant alteration, as is the society they stem from.