Les « anges » chrétiens au secours de musulmans au Darfour

En mai 2005, j’ai voyagé pour la seconde fois sur les terres du Darfour pour observer l’évolution d’un conflit, ouvert en 2003, entre « Arabes » et « Africains ». J’ai pu constater une fois de plus l’importante et étonnante présence des ONG américaines à caractère chrétien sur une terre musulmane. En lisant la littérature évangéliste, il m’a été possible d’en apprendre davantage sur la stratégie des évangélistes américains à travers un gouvernement acquis. Au-delà du souhait de réunir de nouveaux fidèles, l’objectif d’une aide humanitaire au Darfour est de lancer une campagne de commu-nication contre un gouvernement islamiste fortement influencé par le monde arabe.

Abstract : The Christian “angels” bring help to the muslims of Darfur

In May 2005, I travelled for the second time to Darfur to observe the evolution of a conflict, which started in 2003, between “Arabs”and “Africans”. I could once more note the important and astonishing presence of American NGO of Christian influenceon a Muslim territory. Reading the evangelist literature made me learn more on the strategy of the American Evangelists through an acquired government. Beyond the wish to gather new believers, the objective of a humanitarian aid in Darfur is to launch a communication campaign against an Islamist government strongly influenced by the Arab world.

Article Complet

Le rôle des évangélistes américains au Darfour

Le 11 mai 2005, j’ai voyagé pour la seconde fois sur les terres du Darfour pour me rendre compte de l’évolution d’un conflit, ouvert en 2003, entre « Arabes » et « Africains ». Notons que le contenu des termes « Arabes » et « Africains » est davantage culturel que biologique, chacun ayant été arabisé à des degrés diffé-rents. Tous sont musulmans. Le rapport de force s’établit par factions armées interposées. Les miliciens « arabes », soutenus par le gouvernement islamiste de Khartoum, sont connus sous le nom de jenjawid : les « cavaliers du diable », anciennement des bandits de grand chemin. Les « Africains » ont mutualisé leurs forces dans deux groupes de rébellion : le Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE) et l’Armée de libération du Soudan (ALS). Le réel enjeu de ce conflit semble l’appartenance des terres, question laissée en friche par le pouvoir central mais devenue essentielle après des sécheresses répétées depuis les années 1970 qui ont bouleversé l’équilibre agro-pastoral de la région.

À l’instar de mon premier voyage, en août et septembre 2004, j’ai traversé le Tchad d’ouest en est pour atteindre la région des réfugiés soudanais au Tchad. Puis j’ai passé, à plusieurs reprises, la frontière soudanaise, clandestinement, en compagnie de groupes de la rébellion. En revenant de mon premier séjour, j’avais été surpris par la déclaration de Colin Powell à propos d’un génocide du Darfour. Personne sur place ne parlait alors de génocide et pourtant le secrétaire d’État américain avait déclaré, sans ambages, le 8 septembre 2004, au cours d’une audition devant la Commission des affaires étrangères du Sénat américain consa-crée à ce dossier : « Un génocide a eu lieu et pourrait encore se poursuivre au Darfour. Le gouvernement soudanais et les jenjawid en portent la responsabilité. » Le secrétaire appelait l’ONU à mener une « enquête complète » sur les atrocités commises

 [1]. Déjà, en mars 2004, un fonctionnaire des Nations unies en place à Khartoum avait établi un parallèle entre les exactions commises par les milices gouvernementales au Darfour et les massacres rwandais - dont on commémorait, alors, les dix ans. Les preuves que Colin Powell apportait étaient contenues dans un rapport réalisé en coordination avec l’USAID (Agence gouvernementale amé-ricaine de développement humanitaire) dans des camps de réfugiés à l’est du Tchad. Des démonstrations réalisées à la hâte, fondées sur les témoignages de per-sonnes réfugiées représentant tout juste un dixième des personnes déplacées dans le Darfour [2] et ethniquement peu représentatives de l’ensemble du Darfour.

Le 31 janvier 2005, après quatre mois de travaux, une commission chargée par l’ONU d’enquêter sur l’éventualité d’un génocide ne concluait pas à la perpé-tration d’un tel crime. Cependant, le 20 juillet 2005, un peu moins d’un an après les propos de son prédécesseur, Condoleezza Rice a réitéré publiquement, lors d’un déplacement au Soudan, les accusations portées par son pays. Cet entêtement contre le Soudan, bien que celui-ci ait fait preuve de coopération dans la lutte contre le terrorisme, prend racine dans la politique intérieure des États-Unis plus que dans des considérations diplomatiques.

Dès avril 2004, trois membres du Congressional Black Caucus [3] (CBC), M. Payne (New Jersey), Mme Jackson-Lee (Texas) et Elijah E. Cummings, chef du CBC, soutenaient un discours alarmiste à la Chambre des représentants des États-Unis sur la situation du Darfour. Ils annonçaient un nettoyage ethnique dans la région et qualifiaient de « gouvernement génocidaire » l’administration souda-naise. Leurs prises de parole étaient savamment orchestrées de manière à intro-duire l’hypothèse d’un génocide au Darfour, sans désigner ouvertement celui-ci [4]. M. Payne rappelait son rôle actif dans la dénonciation du génocide et de l’escla-vage dans le Sud-Soudan. Une assistance au Tchad, hôte des réfugiés, y était demandée. Il y était évoqué la tenue d’une réunion « productive » avec Colin Powell, lequel aurait certifié que tout serait fait pour mettre fin au désastre.

Ce n’était pas la première fois que les affaires soudanaises s’invitaient dans des débats de politique intérieure. Ce n’est pas tant le fait d’en parler - en France, le Darfour a également fait l’objet d’interventions lors des « questions au gouver-nement » à l’Assemblée nationale -, mais ce sont surtout la récurrence et l’am-pleur de ces orientations qui surprennent. L’élection de George W. Bush en 2000, l’annonce de Colin Powell dès les premiers mois de 2001 et la nomination d’un ancien sénateur républicain du Missouri comme émissaire spécial pour la paix au Soudan, le 6 septembre 2001, marquèrent, en ce sens, une accélération sur le sujet. Le 13 juin 2001, la Chambre des représentants votait le Sudan Peace Act [5], une loi destinée à imposer au Soudan des sanctions économiques - néanmoins jugées inefficaces par bien des analystes. En outre, le Sudan Peace Act mentionnait l’existence d’un génocide au Sud-Soudan. Le soutien à la rébellion sudiste (Armée populaire de libération du Soudan, APLS) y était à peine déguisé. Si Khartoum n’avait pas signé d’accord de paix avant mars 2003, le gouvernement américain aurait ajouté 300 millions de dollars aux 100 millions déjà prévus pour l’aide aux populations des zones contrôlées par l’APLS. Gérard Prunier, observa-teur attentif du Soudan, affirme dans un article du Monde diplomatique [Prunier, 2002, p. 11] que « les termes suffisamment vagues du texte permettraient qu’une bonne partie de ces sommes servent d’appui à la guérilla ».

Outre l’identification des représentants noirs du CBC à un peuple africain, la religion apparaît comme un autre point de rassemblement. Effectivement, le Sud-Soudan est à majorité chrétienne et animiste. Le Black Caucus présente sans ambiguïté ses positions religieuses : évangélistes, méthodistes, chrétiens réformés et autres protestants de la nouvelle vague. La page d’accueil du site Internet du CBC diffuse les adresses de ces Églises. Les populations sudistes animistes et/ou chrétiennes catholiques et protestantes classiques sont une cible pour les évangé-listes comme un peu partout en Afrique. Mais, dans le cas du Soudan, l’oppres-sion musulmane contre des peuples chrétiens revêt un caractère éminemment symbolique. Il existe peu de pays au monde où les musulmans et les chrétiens s’affrontent sur un front précis. Par conséquent, l’intérêt pour le Soudan ne carac-térise pas seulement les Africains-Américains, mais les évangélistes dans leur ensemble. Pour Roland Marchal [2004, p. 107-108], « la question soudanaise était une question de politique intérieure américaine et renvoyait aux liens étroits et personnels de George W. Bush avec les milieux religieux conservateurs de Midland (Texas) (dont Bill Graham) ». Il ajoute en note de bas de page : « Bill Graham avait aidé George W. Bush à abandonner l’alcool et à opter pour un style de vie plus conformiste. Son fils est responsable d’un projet de santé à Yei au Sud-Soudan qui a été bombardé plusieurs fois par l’aviation soudanaise. Évidemment, autant que la compassion, l’hostilité face à l’islam est une motivation importante pour ces milieux fondamentalistes [6]. »

Comment le lien s’est-il établi entre évangélistes et Darfour musulman ?

Les chrétiens américains voient avec satisfaction la résolution du conflit au Sud-Soudan. Néanmoins, le maintien du pouvoir islamiste à Khartoum porte une ombre au tableau. La crise au Darfour ouvre un nouvel espace pour attaquer ce « gouvernement génocidaire ». La présence sur le terrain des Américains, et plus particulièrement des évangélistes chrétiens, se fait de la même manière que dans le Sud-Soudan : par l’arrivée massive d’organisations humanitaires. L’USAID [7] coordonne et finance les activités de ces associations. Sur sa page Internet consacrée à la catastrophe du Darfour [8], l’USAID annonce en septembre 2005 avoir versé un montant s’élevant à 758 millions de dollars pour l’assistance humanitaire depuis 2003. Pour comparaison, l’organisation humanitaire de la Commission européenne, ECHO [9], prétend avoir, elle, mobilisé l’équivalent de 119 millions de dollars au total (sur la base du cours du dollar en septembre 2005).

Les programmes américains : financer les proches de l’appareil étatique jusqu’à l’évangélisation du Darfour

Les programmes du gouvernement des États-Unis et de l’USAID se partagent en quatre sections : USAID/OFDA (Office of United-States Foreign Disaster Assistance) ; USAID/FFP (Office of Food for Peace) ; USAID/OTI (Office of Transition Initiatives) ; State/PRM (Bureau of Population, Refugees, and Migra-tion - dépendant directement du Département d’État). Il y a donc des financements pour l’alimentaire, l’aide matérielle, et d’autres apports non définis. Selon des informations données par l’USAID, le 2 septembre 2005, le Département d’État et l’USAID affirment soutenir entièrement ou partiellement 47 programmes dans les trois régions du Darfour et 22 dans l’est du Tchad. Au nombre des ONG, il y a CARE, organisation américaine réputée financée par l’USAID, présente au Darfour méridional et s’occupant également de la coordination générale au Darfour. L’ONG se revendique laïque. On peut s’intéresser à une autre association CHF que Condoleezza Rice a rencontrée sur son lieu de travail, lors de sa dernière visite au Darfour, le 21 juillet 2005. Sur le site Internet de CHF, un article d’une quaran-taine de lignes relate fièrement la visite de la secrétaire d’État. CHF veut dire « Community, Habitat and Finance » (communauté, habitat et finance). Fondée en 1952 pour améliorer les conditions de logement des « Américains aux faibles et moyens revenus », l’association s’est ensuite orientée vers l’étranger, répondant à l’« invitation » - ainsi le présente-t-elle - de l’USAID à faire valoir son expé-rience. Puis CHF s’est étendue aux cinq continents, toujours sous la houlette de l’USAID. La notion de « communauté » semble très importante pour cette associa-tion. CHF ne se présente pas comme une organisation non gouvernementale (ONG) et n’évoque pas sa position vis-à-vis de la religion.

D’autres ONG comme Medair ont été financées (ou sont financées, début sep-tembre les rapports de l’USAID ne mentionnent plus Medair) par l’USAID. Cette ONG apporte une assistance médicale et d’aide en général (eau potable, sanitaires, distribution de nourriture). L’organisation suisse détermine son activité comme « une mission humanitaire qui s’accomplit dans un esprit de dévouement et de solidarité, inspirée par ses valeurs chrétiennes, en dehors de tout prosélytisme [10] ». Néanmoins, pour être recruté par le groupe Medair, il faut faire preuve d’un « engagement chrétien » et d’une « adhésion aux valeurs de Medair [11] ». Un site suisse d’information d’initiative chrétienne évangéliste, Voxdeï, annonce dans sa rubrique « Mission/évangélisation » que Medair va « assurer l’accès à l’eau potable aux populations du Darfour occidental ». Le texte faisant figure de communiqué, il y a fort à penser que l’information a pu être directement transmise par Medair [12].

Mais l’association la plus proche des « faucons » américains est certainement la Samaritan’s Purse. Son président n’est autre que Franklin Graham, le fils de Bill dont nous parlions un peu plus haut. Il est par ailleurs devenu le président de l’association de son père, la Billy Graham Evangelistic Association. Samaritan’s Purse annonce sa « mission » comme guidée par Jésus. Elle est axée clairement sur l’évangélisation. Ainsi l’annonce la page consacrée aux recrutements chez Samaritan’s Purse : « Samaritan’s Purse est une organisation chrétienne qui se consacre à la propagation de la “bonne parole de Jésus-Christ” à travers l’aide d’urgence et l’évangélisme. » Samaritan’s Purse affiche plusieurs actions pour évangéliser les populations à travers le monde (Cambodge, Ouganda, Russie...). Au Darfour, Samaritan’s Purse, sous le mandat de l’ONU, s’occupe « de la sécurité alimentaire et de l’agriculture, de l’eau et des sanitaires ». Sa mission offi-cielle doit aussi apporter un « soulagement de premier secours ». C’est certaine-ment grâce à cette dernière étiquette que l’association a pu célébrer Noël avec les enfants du Darfour. Quelques cadeaux ont servi à faire accepter cette fête chré-tienne auprès de musulmans très pratiquants. Le reste du programme « Opération enfant Noël » est assez flou, mais il est noté que les enfants « apprendront, à travers la littérature Gospel, que Dieu les aime tellement qu’il a envoyé Son Fils, Jésus-Christ, pour faire briller Sa lumière et faire disparaître l’ombre ». Les ONG et associations caritatives de cette veine sont nombreuses au Darfour. Toujours au sud du Darfour, World Vision présente également son travail comme une mission guidée par Dieu et Son Fils Jésus. Une recherche sur Google Maps, un site Inter-net de recherche cartographique, montre qu’une partie de ces associations sont au Kansas, dans la partie active de l’Amérique évangéliste (ou Bible Belt). Les orga-nisations sont parfois rattachées à des Églises dans cette même région. Un exemple : l’Église luthérienne de Zion (Zion Luthreran Church Mo Synod), installée dans la ville d’Independence au Kansas, abrite également une ONG présente au Darfour, le Lutheran World Relief [13].

Le portail chrétien évangéliste d’information sur Internet, Mission Network News (MNN), annonce d’autres programmes surprenants, non inscrits à l’ONU ou l’USAID. Leur financement semble indépendant de ces deux organismes. MNN fait partie de Gospelcom.net, une coalition de sites évangélistes du courant « Gospel ». Dans un article intitulé « Les chrétiens enseignent l’amour de Jésus au secours des musulmans touchés par la guerre et la persécution [14] » (le vocable « minister » est utilisé, dans le texte original en anglais, avec le sens d’un « ange secourable »), il est annoncé la mise en place d’un programme parrainé par deux associations, Voice of the Martyrs [15] (la voix des Martyrs) et Persecution Project Fondation [16]. Brad Phillips, à la tête du projet, explique que beaucoup d’habitants du Darfour, afin de fuir les atrocités, se réfugient au sud du Soudan et « viennent à Dieu » grâce à leurs frères chrétiens. Le relais se ferait par l’ethnie Dinka, des « Africains » frontaliers du Darfour au sud. Plus matériellement, une radio a été mise en place pour couvrir le Darfour depuis la région du Sud-Soudan. La station Radio Peace diffuse sept jours sur sept, en langue arabe et dans sept dialectes afri-cains. Le chef de programme affirme que des postes radiophoniques ont été distri-bués dans le Darfour. Et de poursuivre : « Il est vraiment excitant de voir des églises commencer à apparaître au Darfour. » Il faut, bien entendu, relativiser ces propos car, hormis la littérature évangéliste, personne ne reprend ces informations.

L’intention reste, elle, bien existante. Il paraît certain que celle-ci contribue à créer une pression sur le gouvernement des États-Unis en faveur d’une interven-tion sur le terrain et d’un soutien sans concession à l’idée d’un génocide au Darfour. MNN reprend dans plusieurs articles la thèse du génocide. De même que l’asso-ciation Voice of the Martyrs n’hésite à aucun moment à abonder dans ce sens, replaçant l’action du gouvernement soudanais dans une stratégie d’« islamisa-tion » du territoire soudanais et de « persécution des chrétiens ».

Une vision américaine des conflits au Soudan

Outre l’opportunisme politique évident dû aux élections américaines en 2004 - mais aujourd’hui passées - et l’enjeu religieux, il reste qu’une perception des conflits au Soudan, construite de manière simpliste, est facilement reçue par l’opi-nion américaine. Cette conception se forme par le fait que le Soudan et les États-Unis ont un point commun dans leurs histoires respectives. Ce sont les périodes de l’esclavage et de la ségrégation raciale. Passé ancien avec quelques persistances pour les États-Unis, l’esclavage reste une actualité au Soudan. Les « traites orientales » du continent noir vers les pays arabes ont persisté jusqu’au début du XXe siècle.

La vision des conflits au Soudan, toujours accompagnée de la qualification de génocide, réhabilite l’idée d’un antagonisme entre races. Selon cette analyse, il y aurait une ségrégation des « Noirs » (ethnie de souche « africaine ») par les « Arabes » (ethnie de souche arabe) au Soudan. Les preuves de ces mécanismes viennent en premier lieu de la rue soudanaise. Au nord du pays, on emploie encore à de nombreuses reprises le terme abid (c’est-à-dire esclave) pour désigner les personnes de souche africaine (du Sud et de l’Ouest). Pour les États-Unis, qui ont connu la ségrégation et l’esclavage, ces usages sont choquants. Ainsi les préoccupa-tions sur les guerres du Soudan recueillent un large écho. Chacun revoit les anta-gonismes entre races qu’ont connus les États-Unis. Et la schématisation d’un génocide est rapide dès qu’un conflit éclate entre ces deux composantes de la société soudanaise. Mais le schéma oublie que la division entre « Noirs » et « Arabes » s’est d’abord construite culturellement et qu’elle est en partie due à une histoire dissociée sous la colonisation (le Sud étant uniquement colonisé par les Britanniques car ne faisant pas partie du condominium). Aux États-Unis, la diffé-rence entre Noirs et Blancs avait une tout autre réalité : ils ne venaient pas du même continent.

La seconde erreur de jugement se fait dans l’amalgame entre les « Africains » chrétiens du Sud et les Zourga arabisés du Darfour. Les « Africains » du Darfour n’ont d’ailleurs pas pensé un seul instant dénoncer un génocide, ni même une ségrégation raciale. Les rebelles n’ont commencé à reprendre l’argument d’un génocide qu’à la fin 2004, c’est-à-dire après le discours de Colin Powell. Lors de ma première rencontre, au cours de l’été 2004, avec les combattants du Darfour, évoquer le génocide suscitait un grand étonnement. En 2005, l’expression géno-cide était sur toutes les lèvres.

Il y a une certaine audace dans la tentative de ces mouvements évangélistes à vouloir christianiser des populations musulmanes du Soudan, terre d’intenses influences - largement financées - venant du régime wahhabite saoudien. Il n’est pas possible de croire que ces stratégies sont totalement inconscientes. Elles font craindre le pire quant à la réactivation des conflits entre musulmans et chrétiens dans une région charnière du monde arabo-musulman avec l’Afrique christianisée par l’Ouest. Au Soudan, comme au Tchad et en Érythrée, les chrétiens et les musulmans vivent face à face. Utiliser les crises humanitaires de la sous-région pour exacerber les tensions religieuses à travers une stratégie de croisade contre le monde musulman réunira de parfaits justificatifs en vue de guerres futures. Souli-gnons enfin, pour garder une certaine justesse, que l’activité des promoteurs d’un islam radical est soutenue dans la région. Les méthodes sont identiques à celles des évangélistes ; elles se font, notamment, à travers les jeunes, en finançant des lieux d’enseignement, des bibliothèques... Après la recomposition des enjeux en Afrique suite à la disparition du bloc communiste qui avait placé le fait religieux en demi-teinte, doit-on voir dans le prosélytisme religieux un nouvel axe de rivalité, une nouvelle bipolarité dans la région ?

Bibliographie

 MARCHAL R., « Le Soudan, d’un conflit à l’autre », Les Études du CERI, n° 107-108, CERI, Paris, 2004.

 NEUMAYR G., « Midland ministers to the world. Just as it shaped his character, President Bush’s hometown is shaping events in far away Sudan », The American Spectator, décembre 2003/janvier 2004.

 PRUNIER Gérard, « Paix introuvable au Soudan », Le Monde diplomatique, décembre 2002.


[1Pour lire le discours de M. Powell : http://www.state.gov/secretary/former/powell/ remarks/36042.htm ; Pour lire (une partie) du rapport du Département d’État : http://www.state.gov/g/drl/ rls/36028.htm

[2À cette époque, les chiffres officiels de l’ONU comptaient environ 150 000 réfugiés au Tchad et 1,5 million de personnes déplacées. En septembre 2005, il y aurait 220 000 réfugiés, 2 millions de déplacés et 3,5 millions de personnes touchées par la crise.

[3Littéralement : Comité noir du Congrès. Soit une organisation représentant les membres noirs du Congrès américain. Son site : http://www.house.gov/cummings/cbc/cbchome.htm

[4Pour lire l’intégralité des trois discours : http://www.house.gov/cummings/cbc/cbcspeech/sp051304.htm

[5Voté en octobre 2002 par le Congrès.

[6Voir notamment le documentaire The Jesus Factor, en téléchargement sur le lien Internet suivant : http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/jesus/view/. Pour comprendre l’aspect religieux de la politique étrangère de Bush, lire [Neumayr, 2003-2004].

[7United States Agency for International Development : Agence gouvernementale améri-caine pour le développement Voir : http://www.usaid.gov/ L’USAID est une agence dont la politique générale est guidée par le département d’État.

[9European Commission Humanitarian Organisation. L’équivalent de l’USAID pour l’Union européenne.

[14En anglais : « Christians are ministering the love of Jesus to Muslims wracked by war and persecution. »


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