Éthiopie : la croix contre la croix Fédéralisme et prosélytisme des Églises penté
par Alain Gascon
* Institut français de géopolitique, université Paris-VIII, Centre d’études africaines (CNRS/EHESS), chargé de cours à l’INALCO.
En Éthiopie, le christianisme, implanté depuis le IVe siècle, ne doit rien aux mis-sions européennes. Très tôt, l’islam a gagné les basses terres puis les hautes terres de la Corne de l’Afrique. Entre les monothéismes s’est institué un pacte de « non-agression » parfois rompu par des jihad (XVIe siècle) et par les conquêtes des negus, notamment sous Menilek (1889-1913). Les souverains éthiopiens, pourtant d’ascendance salomo-nienne, ont toléré, même dans la famille royale, la présence des musulmans alors qu’ils ont, jusqu’à Menilek, persécuté et expulsé les missions européennes. Sous Mängestu, le régime persécuta les chrétiens, les musulmans et les cultes païens. Le retour à la liberté religieuse a réveillé les rivalités entre les obédiences chrétiennes. Pour l’Église éthiopienne monophysite, les Églises « étrangères » menacent l’unité du pays au même titre que l’ethnofédéralisme. Le recensement révèle que, désormais, plus de 10 % des Éthiopiens appartiennent à des Églises « protestantes ».
Abstract : Ethiopia : cross against cross. Federalism and proselytism of “pente” churches
In Ethiopia, christianism, established since the 4thcentury, does not owe anything to the European missions. Very early, Islam reached the lower and then higher territories of the Horn of Africa. A pact of nonaggression was agreed on among monotheisms, and at times was broken by some jihad(16thcentury) and by the conquests of the Negus, in particular under Menilek (1889-1913). The Ethiopian sovereigns, although Salomonian descendants, have tolerated, even in the royal family, the presence of Muslims who, until Menilek, have persecuted and expulsed the European missions. Christians, Muslims and Pagan Cults were persecuted under Mangestu. The return to religious freedom awakens rivalries between Christian allegiances. For the Ethiopian Monophysite church, the “foreign” churches threaten the unity of the country as much as the ethnofederalism. The census shows that more than 10% of the Ethiopians belong to a Protestant church.