Le sionisme chrétien : paroles de romantiques, épées de combattants, influence d’évangélistes
par Frédéric Encel
* Docteur en géopolitique de l’université Paris-VIII et consultant, professeur à l’ESG-Paris, l’auteur enseigne les relations internationales à la prép-ENA de l’Institut d’études politiques de Rennes, et a publié notamment (avec F. Thual) : Géopolitique d’Israël (Seuil, Paris, 2004) et (avec E. Keslassy, coll.) Comprendre le Proche-Orient, une nécessité pour la République (Bréal, Paris, 2005).]]
Depuis les années 1970-1980, la forte montée en nombre de fidèles et en puis-sance des Églises évangéliques aux États-Unis et dans le monde (plus de 40 millions d’Américains affirment appartenir à l’un des nombreux courants évangéliques) se traduit par un renforcement du soutien à Israël, y compris aux courants politiques sio-nistes religieux et/ou nationalistes. À moyen terme, si la progression de l’évangélisme américain devait se maintenir à ce niveau quantitatif et qualitatif, le lobby juif améri-cain se verrait dépassé en termes d’influence et, plus globalement, la nature de la relation privilégiée avec Israël se trouverait durable-ment modifiée. Or, longtemps avant l’émer-gence de ce courant, des chrétiens européens (et dans une moindre mesure nord-améri-cains), catholiques, anglicans ou protes-tants, avaient déjà soutenu par leurs discours et écrits le sionisme politique puis la créa-tion de l’État juif moderne. Ces encoura-gements ne demeurèrent pas seulement discursifs ou théoriques ; ainsi en Palestine mandataire britannique, au cours des années 1930-1940, des chrétiens se battirent, en tant que tels et les armes à la main, aux côtés des combattants sionistes.
Abstract : Christian Zionism : words of the romantics, swords of warriors, and supports of evangelicals
Since the 70s and 80s, the increase in number and power of believers of evangelical churches in the United States and in the world (more than 40 millions of Americans declare belonging to one of the several evangelical movements) manifests itself in a reinforcement of the support to Israel, and also to political Zionist trends, being religious and/or nationalists. In the near future, if the advancement of the American evangelism should remain at this quantitative and qualitative level, the Jewish American lobby would be overtaken in terms of influence, and on a more global aspect, the nature of the privileged relationship with Israel would be strongly altered. Nevertheless, long before the emergence of this trend, some European Christians (and fewer in North America), Catholics, Anglicans or Protestants, had already supported, through speeches and written documents, the political Zionism and then the creation of the modern Jewish State. These encouragements did not remain discursive or theoretical ; thus during the British Mandate for Palestine in the 30s and 40s, Christians fought, arms in hand, side by side with Zionists.