Londres à la lumière d’un géographe libertaire

par Delphine Papin

Opposant au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, Élisée Reclus est contraint à vingt-deux ans de fuir la France pour se réfugier à Londres. Il est frappé dans cette grande cité par les tristes conditions écologiques et par la juxtaposition criante de la misère et de la richesse. Dans la Nouvelle Géographie universelle, Reclus consacre une quarantaine de pages à Londres. Sa démarche géographique fait une large place aux relations de pouvoir entre les différents acteurs, relations qui s’exercent à l’échelle de la ville, de la commune ou du quartier. Ainsi, il décrit comment les spéculations foncières de la cité obligent les ouvriers à migrer vers des zones insalubres ; comment les compagnies des eaux n’hésitent pas - pour des raisons économiques - à recourir à des sources contaminées ; quant aux pouvoirs publics, la complexité de l’organisation administrative est telle qu’elle ne permet pas aux citoyens d’exercer leurs droits. Bien sûr, Reclus n’utilise pas le terme de « géopolitique » et encore moins de « géopolitique urbaine » qui n’existent pas encore, mais il en évoque tous les ressorts.

Abstract : « London in the light of a libertarian geographer ».

As an opponent of Louis Napoleon Bonaparte’s coup, Elisée Reclus, at twenty-two years old, has to flee from France and takes refuge in London. In this large city, he is stricken by the sad environmental conditions and the glaring juxtaposition of misery and wealth. In La nouvelle Géographie Universelle, Reclus dedicates forty pages to London. His geographical approach gives a great importance to power relations between various actors, relations encountered on a city, town or neighborhood level. Therefore he describes how land speculations in the city compel the working-class to move to insalubrious areas ; how the water companies do not hesitate, for economical reasons, to have recourse to contaminated sources ; and as far as the public powers are concerned, the complexity of the administrative organization is such that it does not allow citizens to exercise their rights. Of course Reclus does not use the term « geopolitic » and even less « urban geopolitic » which yet do not exist, but he evokes all of their motives.

Article complet

Le jeune libertaire a vingt-deux ans quand il se rend à Londres pour la première fois en janvier 1852. Opposant au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte de 1851, il est contraint de fuir et se réfugie de l’autre côté de la Manche avec son frère Élie. Rapidement confrontés à la dure réalité des exilés, ils quitteront, l’un après l’autre, l’Angleterre pour l’Irlande. Pour Élisée, resté à Londres quelques mois de plus que son frère, ce premier séjour d’une future longue série dans la capitale des « îles britanniques », est plutôt décevant ; d’abord parce qu’il n’est pas particulièrement bien accueilli par les Anglais : « La répugnance de bon ton que l’Anglais respectable éprouvait contre l’émigré français, écrira-t-il plus tard, était encore accrue du fait que ce Français, suivant toute probabilité, était un républicain, un socialiste » [Les Frères Reclus, p. 176, cité in Giblin, « Présentation », Reclus, 1998, p. 16] ; ensuite parce que la juxtaposition criante de la misère et de la richesse le heurte durablement et qu’il est frappé par les tristes conditions écologiques dans lesquels vivent les hommes de cette grande cité.

Reclus a le regard d’un géographe et la plume d’un écrivain. À l’instar des plus grands romanciers de son temps, dans le sillage d’un Zola, d’un Dickens, il entraîne son lecteur dans le ventre de Londres, lui donne à voir, à sentir et à ressentir. Mais ce talent d’écrivain, cette manière de projeter le lecteur dans la réalité d’une époque, est avant tout le moyen de dénoncer en filigrane les inégalités et les injustices. Reclus, ne l’oublions pas, a la fibre anarchiste. Bien que tenu de respecter le contrat passé avec son éditeur qui lui enjoint de ne pas faire état de ses opinions politiques, il parvient au détour d’une description à interpeller son lecteur, à le faire s’interroger - voire s’indigner - non seulement à propos de ce qu’il voit mais aussi et surtout de ce que cela cache (ainsi le phénomène de surmortalité dans certaines couches sociales est révélateur du comportement d’une élite peu encline à améliorer le sort des plus pauvres).

La démarche géographique d’Élisée Reclus fait une large place aux relations de pouvoirs entre les différents acteurs, relations qui s’exercent à l’échelle de la ville, de la commune ou du quartier. Ainsi, il décrit bien comment les spéculations foncières de la cité obligent les ouvriers à migrer vers des zones insalubres ; comment les « compagnies des eaux » n’hésitent pas - pour des raisons économiques - à recourir à des sources contaminées ; quant aux pouvoirs publics, la complexité de l’organisation administrative est telle qu’elle ne permet pas aux citoyens de s’exprimer, encore moins d’exercer leurs droits. Bien sûr, Reclus n’utilise pas le terme de « géopolitique » et encore moins de « géopolitique urbaine » qui n’existe pas encore mais il en évoque tous les ressorts.

Dans le chapitre consacré à Londres de la Nouvelle Géographie universelle (NGU), la Tamise fait l’objet d’une étude et d’une description particulière. A priori, rien d’étonnant à cela. En tant que voie de communication ayant une fonction fluviale et une fonction portuaire, la Tamise est, pour un géographe qui entreprend l’étude de Londres, un sujet incontournable. Pourtant ce n’est pas la fonction du fleuve qu’Élisée Reclus choisit de privilégier, mais bien l’enjeu que représentent l’eau et la question de l’hygiène. Sur les quarante pages qu’il consacre à la ville de Londres, près de quatre concernent la Tamise. Mais ici, l’intérêt du géographe pour le fleuve ne réside pas dans sa seule fonction. Reclus s’intéresse en priorité à la question environnementale et à ses conséquences sur les hommes. Sa conception de la géographie lui fait accorder une très large place aux conditions écologiques dans lesquelles vivent et travaillent les hommes. S’il consacre autant de pages à la Tamise, c’est avant tout dans le but d’alarmer le lecteur sur les terribles conditions d’hygiène auxquelles sont alors confrontées les populations des grandes villes. Sa description, dans la lignée naturaliste de la littérature de son époque, est impressionnante de réalisme :

Vers le milieu du siècle, l’eau de la Tamise, recevant les immondices de Londres, n’était guère qu’une boue liquide ; la vase du fond, emplie de matière en décomposition, était grouillante de vers rouges, d’une longueur variable de quelques centimètres à près d’un mètre. Le flux et reflux promenaient toutes sortes de matières, vivantes ou mortes, dans l’immense égout, et les bateaux ramenaient à la surface un sillage puant : ce n’était pas sans risque pour la santé que l’on s’embarquait pendant quelques minutes à bord des bateaux à vapeur qui montent et qui descendent la Tamise [NGU].

Le géographe ne se contente pas de décrire mais tire les conséquences de cet état de fait :

Mais la métropole de l’Angleterre n’a malheureusement pas assez d’eau pure à sa disposition : plusieurs quartiers n’obtiennent qu’un liquide rempli de matières organiques en décomposition et par suite la mortalité s’y élève au double ou même au triple de ce qu’elle est dans les quartiers dont les habitants boivent une eau saine [NGU].

Et, bien que - on l’a vu - son éditeur lui ait formellement demandé de ne pas donner son point de vue, Reclus dénonce tout de même l’omnipotence des compagnies des eaux qui, afin de servir leurs intérêts, ne puisent pas l’eau là où elle est la plus saine.

Des capitaux énormes ayant été employés déjà au travail de canalisation, à la construction des réservoirs, des appareils de filtrages d’autres engins, les compagnies « des eaux » dont les aqueducs sont alimentés par les deux sources qui forment la New River, la Tamise, et pas la rivière Lea, sont devenues assez riches et assez puissantes pour s’opposer efficacement à tout changement de ce système [NGU].

Il ajoute même, au détour d’une description, une suggestion qui, à peine déguisée par son talent de romancier, vise sans doute à provoquer une réaction chez les citoyens :

Pourtant l’opinion publique finira peut-être par avoir raison de toutes les oppositions intéressées, et l’on ira chercher l’eau ailleurs que dans une rivière qui reçoit déjà en amont de Londres les eaux impures de villes et de campagnes peuplées ensemble d’un million d’habitants [NGU].

En pointant du doigt les compagnies privées des eaux, il met en lumière la complexité des enjeux et des rapports de force qui régissent des questions aussi primordiales que l’hygiène, n’oublions pas qu’à l’époque, le choléra fait rage à Londres comme à Paris (on peut d’ailleurs s’étonner que Reclus n’y fasse pas référence dans son texte sur Londres). Pour autant, il souligne l’importance du réseau d’égouts permettant la purification de capitale.

Pour nettoyer la ville, on entreprit en 1859 la construction de tout un réseau d’égouts. Trois souterrains principaux reçoivent les eaux vannes des quartiers septentrionaux de Londres ; trois autres canaux passent des quartiers du sud, et toutes les impuretés liquides, apportées par les veines et les veinules des égouts, sont entraînées, à une grande distance en aval de Londres, en deux tranchées parallèles, l’une à la rive du nord, l’autre à la rive du sud. Là, des machines s’emparent de toutes ces eaux impures, pour les reverser dans la basse Tamise. Les résultats de ces travaux dont le coût total s’est élevé à plus de 115 millions de francs ne se sont pas fait attendre. La métropole elle-même a été purifiée, mais les villes situées près des bouches d’égouts se plaignent d’être empestées, et la souillure du fleuve augmente d’année en année. On espérait d’abord que les immondismes rejetées dans l’estuaire seraient entraînées vers la mer ; malheureusement une grande partie de ces débris, qui s’écoulent en aval avec le jusant, sont repris par le flot et reportés en amont : de proche en proche, les villes du bord voient les vases de l’égout remonter vers elle. Chassées par ces impuretés, plusieurs espèces de poissons, qui remontaient autrefois la Tamise, l’ont abandonnée. Ainsi les anguilles, le précieux whitebait ou jeune hareng, si apprécié des gastronomes, et d’Erith, ne se voient plus dans ces parages ; les pêcheurs hollandais qui les poursuivaient pénètrent chaque année moins avant dans la Tamise [NGU].

Dans L’Homme et la Terre (H&T), qui sera publié une vingtaine d’années plus tard, il revient sur l’urgence qu’il y a, pour la population des villes comme pour leurs gouvernants, de se préoccuper, au-delà des intérêts privés ou des rivalités d’acteurs, de cette question de salubrité.

Quoi qu’il en soit, toute ville nouvelle arrive aussitôt, par le fait même de la juxtaposition des demeures, à constituer un organisme collectif, dont chaque cellule individuelle cherche à se développer en santé parfaite, condition première de la santé de l’ensemble. L’histoire est là pour enseigner que les maladies des uns entraînent celles des autres et qu’il est dangereux pour les palais de laisser la peste dévaster les taudis. Aucune municipalité n’ignore de quelle importance serait l’assainissement complet de la ville par le nettoyage des rues, l’ouverture de places gazonnées et fleuries, ombragées de grands arbres, la disparition rapide de toutes immondices et la diffusion de l’eau pure en abondance dans tous les quartiers et toutes les maisons. À cet égard, les villes des pays les plus avancés sont en rivalité pacifique pour mettre en pratique ou à l’essai des procédés particuliers de nettoyage et de confort. Il est vrai que les villes comme les États, ont des gouvernants incités par leur milieu même à s’occuper de leurs intérêts privés ; mais c’est déjà beaucoup de savoir qu’il convient de faire pour que les organismes urbains fonctionnent un jour mécaniquement pour l’acquêt des provisions, la circulation des eaux pures, de la chaleur, de la lumière, des forces, de la pensée, la répartition constante de l’outillage et l’expulsion des matières devenues inutiles ou funestes. Cet idéal est encore fort loin d’être réalisé ; du moins, nombre de villes sont-elles déjà devenues assez salubres pour que la vie moyenne y dépasse celle de mainte campagne, dont les habitants aspirent continuellement l’odeur des pourritures et des fumiers et sont restés dans l’ignorance primitive de toute hygiène [H&T].

Parallèlement aux problèmes écologiques, l’injustice et l’inégalité sont au cœur de l’œuvre de ce géographe anarchiste nourri aux idées de Proudhon, adepte du mutualisme, et de Bakounine dont la doctrine libertaire implique la solidarité économique et sociale entre tous les hommes. Il dénonce la ségrégation socio-économique des quartiers à travers une description puissante où la misère côtoie honteusement la richesse.

Les quartiers les plus misérables de Londres se trouvent en contact immédiat avec cette riche Cité, dont les seuls résidents seront bientôt des employés et des concierges. Dans les environs de la Tour et des bassins flottants est le dédale des rues où l’étranger redoute de s’aventurer et où ne pénètrent que rarement les Londoniens des riches quartiers. La boue des rues se continue dans les corridors des maisons ; les murs sont mouchetés d’ordures, les loques pendent aux fenêtres ; les ordures rances ou fétides se mêlent à l’atmosphère ; la plupart des hommes et femmes que l’on rencontre dans les rues ont les yeux caves, la figure amaigrie, et portent des vêtements souillés, défroque dix fois vendue de fripier à fripier et qui, après avoir appartenu aux gentlemen et aux ladies des beaux quartiers du West-End, finit en haillons sur le corps des habitants de Shadwell et de Wapping. Au sud de la Tamise, certaines ruelles de Rotherhithe, de Bermondsey, de Lambeth, sont aussi des sentines de misère : c’est avec joie qu’après s’y être égaré, on revoit les bords de la Tamise, quelque grande avenue ou la verdure d’un jardin public. Quel contraste entre l’aspect des quartiers pauvres et ceux des faubourgs somptueux ! Mais aussi quelle différence dans le genre de vie des habitants et dans la durée de leur existence ! La moyenne de la mortalité annuelle varie de 14 à 60 par mille personnes, suivant les rues, et là où la mort fauche si rapidement, c’est que le manque de travail, de pain et de tout bien-être lui ont facilité la tâche. Ce que Londres cache de misère est indicible ! [NGU].

Reclus dénonce également les spéculations foncières à l’œuvre dans le quartier de la Cité, qui entraînent nécessairement la prolifération de taudis urbain : « Pendant les quarante dernières années, au moins cinquante mille ouvriers ont été ainsi renvoyés de la Cité et sont allés dans les quartiers environnants. Il n’y a plus de pauvres dans la Cité, mais ils sont d’autant plus nombreux aux alentours » [NGU].

C’est dans L’Homme et la Terre qu’il pourra librement s’exprimer et prendre position et qu’il évoquera un « corps social » divisé.

Mais, dans une société où les hommes ne sont pas assurés du pain, où les misérables et même les faméliques constituent encore une forte proportion des habitants de chaque grande cité, ce n’est qu’un demi-bien de transformer les quartiers insalubres, si les malheureux qui les habitaient naguère se trouvent expulsés de leur ancien taudis pour aller en chercher d’autres dans la banlieue et porter plus loin leurs émanations empoisonnées. Les édiles d’une cité fussent-ils sans exception des hommes d’un goût parfait, chaque restauration ou reconstruction d’édifice se fit-elle d’une manière irréprochable, toutes nos villes n’en offriraient pas moins le pénible et fatal contraste du luxe et de la misère, conséquence nécessaire de l’inégalité, de l’hostilité qui coupe en deux le corps social. Les quartiers somptueux, insolents, ont pour contrepartie des maisons sordides, cachant derrière leurs murs extérieurs, bas et déjétés, les cours suintantes, des amas hideux de pierrailles, de misérables lattes. Même dans les villes dont les administrateurs cherchent à voiler hypocritement toutes les horreurs en les masquant par des clôtures décentes et blanchies, la misère n’en perce pas moins au travers, on sent que là derrière, la mort accomplit son œuvre plus cruellement qu’ailleurs. Quelle est, parmi nos cités modernes, celle qui n’a pas son White-Chapel et Mile-End road ? [H&T, p. 216].

Reclus s’intéresse également aux divers acteurs qui gèrent la ville de Londres. Il souligne l’absence d’un représentant pour la capitale, décrit le pouvoir de décision d’un très petit nombre pourtant fort puissant, tels les bourgeois de la Cité, les paroisses locales ou encore les grands propriétaires fonciers.

Si l’imbroglio administratif n’est pas le fruit du hasard mais l’aboutissement d’une très longue histoire, Reclus y voit également un moyen pour le pouvoir central de diviser pour mieux régner - et ainsi d’éviter le contre-pouvoir d’un Maire de Londres trop puissant. N’oublions pas que nous sommes en 1879 lorsque l’ouvrage est publié et que la Commune insurrectionnelle de Paris à laquelle a participé Reclus a eu lieu huit ans auparavant.

Londres n’est point une commune, sans doute parce que le Parlement craint un rival. Les intérêts commerciaux et industriels y ont un centre naturel, non les intérêts politiques. La ville est divisée en une foule d’administrations distinctes qui s’enchevêtrent bizarrement ; on ne peut mieux comparer ce dédale qu’à celui des rues dont la nomenclature s’est faite sans aucun ordre, d’après le caprice des propriétaires et des paroisses : des dizaines de rues portent les mêmes noms, Churche-Street, King-Street, Princes-Street sans compter les places, les terraces, les rows désignés de la même manière. La complication politique et administrative, où des innovations modernes se mêlent étrangement aux traditions du moyen âge, est telle que la plupart des habitants de Londres ne cherchent pas à en pénétrer le mystère et se laissent gouverner au hasard. Le labyrinthe des lois est si grand qu’on n’essaie pas de s’y aventurer ; les citoyens se trouvent à la merci de quelques compagnies souveraines et n’osent pas se défendre [NGU, p. 540-541].

Il s’attarde ensuite sur la puissance des bourgeois de la Cité...

LLa plupart des bourgeois de la Cité se groupent en diverses compagnies, qui furent jadis des corporations ouvrières mais qui n’ont gardé de leur passé de travail que le nom et des insignes symboliques. Plus riches que le gouvernement de la Cité, elles observent un ordre de préséance rigoureusement établi par d’antiques règlements ; les merciers viennent à la tête des douze grandes compagnies ; les porteurs d’eau (waterman) sont la soixante-dix-neuvième compagnie et la dernière [NGU., p. 542].|

... et au fait que les spéculations foncières qui ont obligé les pauvres à partir profitent aux paroisses...

La quantité des paroisses locales n’a pas diminué, et leurs revenus annuels se sont accrus. Il en est qui ne comprennent pas même une cinquantaine d’habitants et qui, n’ayant point un seul indigent à qui distribuer leurs fonds de secours, les emploient en festins et en traitements pour une tourbe d’employés à sinécure [NGU].

Au-delà de la puissance des quelques propriétaires qui détiennent à eux seuls une large partie du foncier de la capitale, c’est avant tout les réseaux de pouvoir que Reclus met en lumière dans l’extrait qui suit. Réseaux qui permettent d’orienter des prises de décision quant aux aménagements dans la capitale.

Si grande que soit l’autorité des corporations administratives de Londres, il faut tenir compte d’une autre influence, non moins puissante que celle de la « livrée » et des « sacristies ». cette influence, presque entièrement occulte, est celle des propriétaires sur le sol desquels est bâtie la ville de Londres : par leurs intendants, leurs juristes, leurs hommes d’affaires, ces personnages dirigent les assemblées locales, et les travaux de l’édilité londonienne ne sont jamais entrepris de manière à léser leurs intérêts. Des kilomètres carrés couverts de maisons sont la propriété d’un seul. Ainsi presque tout le quartier de Marybone appartient au duc de Portland, héritier du hollandais Bentinck, favori de Guillaume III [NGU, p. 543].

Un siècle après la publication de L’Homme et la Terre, la démarche d’Élisée Reclus, s’il elle était alors novatrice, est aujourd’hui toujours pertinente pour comprendre la complexité des enjeux sur les territoires particuliers que sont les villes.

Alors que les géographes restent encore timides dès lors que l’on touche au domaine politique et que, de leur côté, les sciences politiques négligent la question du territoire, Élisée Reclus, il y a tout juste un siècle, faisait, dans sa géographie, une large part à l’étude des rivalités de pouvoir, et ce même à l’échelle urbaine. Si sa démarche est très intuitive et reste guidée par une grille d’analyse anarchiste, libertaire et généreuse, elle n’est pas systématisée, ni théorisée. La démarche géopolitique moderne insiste, quant à elle, sur l’analyse systématique des représentations contradictoires, tendant ainsi à plus d’objectivité.

C’est d’ailleurs seulement au cours de la dernière décennie que cette démarche a été théorisée à l’échelle urbaine. Les relations de pouvoir d’hier ne sont plus seulement réservées à une élite et le citoyen d’aujourd’hui, mieux informé, est un acteur parfois puissant dans les débats. La complexité des enjeux qui se jouent sur de très petits territoires - souvent fortement peuplés - ainsi que le développement des outils de la démocratie, obligent les géographes, n’en déplaise encore à certains, à tenir compte de la dimension politique.

Références bibliographiques

 RECLUS É., La Nouvelle Géographie universelle, Hachette, Paris, 1892.

 -, L’Homme et la Terre, La Découverte, Paris, 1998 (introduction et choix des textes par Béatrice Giblin).


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