De l’enquête au terrain numérique : les apports de l’Osint à l’étude des phénomènes géopolitiques
Résumé :
Depuis une dizaine d’années, les enquêtes fondées sur l’exploitation de sources ouvertes et de traces numériques se développent au point de devenir déterminantes dans la documentation des conflits contemporains, au premier rang desquels figure la guerre en Ukraine. Généralement désignées sous le sigle Osint (open source intelligence), ces pratiques d’investigation sont rendues possibles par l’omniprésence de capteurs qui numérisent une part grandissante des activités humaines et en génèrent des traces. Si ces sources sont largement exploitées par des services de renseignement, des journalistes ou des activistes, les réflexions menées pour les intégrer à la « boîte à outils » du chercheur en sciences humaines et sociales travaillant sur les phénomènes géopolitiques sont encore embryonnaires, et méritent d’être enrichies. Le présent article entend apporter une pierre à cet édifice, en revenant sur les enjeux épistémologiques que pose l’enquête numérique et en proposant une ébauche de canevas méthodologique. Il en résulte la possibilité d’un terrain « augmenté » par le numérique, dont le recours s’avère particulièrement fécond dans les contextes de terrains difficiles ou inaccessibles.
Abstract : From digital investigation to digital fieldwork : the contributions of Osint to geopolitics
Over the past decade, investigations based on the exploitation of open sources and digital traces have developed to the point where they have become decisive in the documentation of contemporary conflicts, first and foremost the war in Ukraine. Generally referred to as Osint (open source intelligence), these investigative practices are made possible by the omnipresence of sensors that digitise a growing proportion of human activities and generate digital footprints. Although these sources are widely used by intelligence services, journalists and activists, the reflections carried out to integrate them into the « toolbox » ; of the human and social sciences researcher working on geopolitical phenomenas are still embryonic and deserve to be enriched. The present article intends to contribute to this effort by reviewing some of the epistemological issues raised by digital investigation and by proposing a draft methodological framework. The result is the possibility of a fieldwork « augmented » ; by digital technology, the use of which proves particularly fruitful in the context of difficult or inaccessible fields.