Éditorial : Osint, enquêtes et terrains numériques
par Béatrice Giblin
Avec ce numéro consacré aux nouvelles pratiques d’enquête et d’investigations numériques regroupées sous le nom d’Osint, acronyme d’open source intelligence (en français, renseignement d’origine source ouverte), Hérodote renoue avec un de ses tout premiers thèmes d’analyse, l’enquête et le terrain (deux numéros, le 8 et le 9, publiés en 1977 et 1978), et un autre beaucoup plus récent, celui-là sur le renseignement et l’intelligence géographique (2011). Qu’entendait-on alors par intelligence géographique ? Frédérick Douzet est l’auteure de cette expression qui lui a sans doute été inspirée par sa connaissance des États-Unis et la référence fréquente à l’Intelligence Service de la CIA. Cette expression traduit l’importance du renseignement géographique au sens le plus classique de ce savoir dans la pratique de la guerre, comme le rappelle Yves Lacoste dans l’éditorial du numéro de 2011 : renseignements sur la topographie, la nature des terrains, la météorologie, soutien ou hostilité de la population. Mais, et ce numéro le montrait déjà, les nouvelles technologies changeaient l’accès au renseignement et même, pour une part, sa nature : précision de la géolocalisation, informations captées grâce aux satellites, etc.
Incontestablement, le développement exponentiel des données fournies par Internet et les réseaux sociaux ouvre un immense champ de nouvelles sources, tant dans le domaine de l’enquête que dans celui du renseignement. Le terrain d’enquête peut ainsi se trouver dématérialisé quand les conditions politiques le rendent inaccessible, même si être physiquement présent reste des plus utile. Mais tout comme l’enquête de terrain doit répondre à des critères éthiques et scientifiques, l’enquête numérique en sources ouvertes doit répondre à ces mêmes critères.
C’est ce que démontrent les articles de ce numéro piloté par Kevin Limonier et Maxime Audinet, chercheurs encore jeunes et déjà confirmés, le premier membre de l’équipe Geode que Frédérick Douzet dirige, le second chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM).
Hérodote, grâce à ces jeunes chercheurs talentueux, est fière de défricher ce nouveau champ de recherche.