Face à l’insécurité et aux violences faites aux personnes de sexe féminin en banlieue (…)

par Bernard Alidières

En partant de la première enquête nationale sur les violences faites aux femmes, on cherchera à discuter les représentations à l’œuvre dans certains commentaires à l’aune des situations en banlieue. Car, si l’un des apports de la démarche d’enquête des féministes réside dans la non-hiérarchisation a priori des violences envers les femmes, leur travail au niveau plus précis d’un territoire représentatif des problèmes sociaux des banlieues n’a abouti qu’à une publication lacunaire de « premiers résultats ». On confrontera également les travaux d’« approche de genre sur les violences dans l’espace public » à d’autres recherches empiriques traitant de l’insécurité. Dans un second temps, on s’interrogera sur la pertinence des représentations dans certaines études qui dénoncent la surmédiatisation de quelques « faits divers » sans prendre en considération les témoignages des victimes féminines. Par crainte des « explications essentialistes », faut-il refuser de tenir compte de la dimension ethnoculturelle pour expliquer les violences faites à la population féminine dans les « cités » ? Et dans ce cas, la voix des féministes algériennes ne permet-elle pas d’en mieux cerner la réalité ?

Abstract : Insecurity and Violence Against Women in the Suburbs : a geopolitical approach of perceptions.

This paper is based on the first national survey of violence against women, « Approche de genre sur les violences dans l’espace public ». It aims at confronting perceptions to the variety of situations found in the suburbs of France. The main contribution of this survey is to avoid offering an a priori hierarchy of the type of violences endured by women. Yet the work conducted at the local level in the suburbs let to the publication of poor preliminary results. The paper therefore uses additional empirical studies on insecurity. The paper also looks into the relevance of some perceptions to be found in studies denouncing the publicity around local incidents with no consideration for the testimony of the female victims. Should we fear « existentialist explanations » and therefore give up on the socio-cultural factor to explain violence against women in the suburbs ? In this case, shouldn’t the voice of Algerian women help better apprehend this phenomenon ?

Article complet

Par erreur, cet article a été publié sans les notes qui l’accompagnaient ; elles sont rétablies ici. La version publiée, sans note, est disponible au bas de la page.

« Je connais la banlieue. J’y ai vécu [...]. Je sais ce dont je parle. Je suis fatiguée d’entendre dire qu’on exagère le problème des viols collectifs dans nos cités et que les « tournantes » sont des jeux sexuels où les filles sont consentantes. Non, cette sauvagerie existe bel et bien, et nous sommes très nombreuses à en avoir été les victimes. » [Samira Bellil, 2002, p. 279]]

Comment aborder la question de l’insécurité et des violences faites à toute personne de sexe féminin, jeune fille ou femme, en banlieue ? Tout en partant des apports importants de la première enquête nationale sur les violences faites aux femmes, et de celles qui ont suivi depuis 2000, on cherchera à mettre au jour et discuter certaines représentations à l’oeuvre, de façon plus ou moins explicites, dans les commentaires des données sur les violences faites aux femmes. On s’efforcera, de la même manière, de confronter les premiers travaux d’« approche de genre sur les violences dans l’espace public » à d’autres recherches empiriques traitant de l’insécurité, et ce à l’aune des situations en banlieue.

Doit-on, à propos des violences envers les habitantes des « cités », délaisser la question des « tournantes » ? « La focalisation médiatique et politique sur les violences sexistes dont les jeunes femmes des banlieues sont la cible [...] laisse penser que le sexisme serait beaucoup plus répandu dans les quartiers pauvres et ségrégés des grandes agglomérations urbaines où les familles immigrées sont concentrées que dans le reste de la population. [...] La sur-médiatisation [...] des violences considérées comme spécifiques à ces familles et à ces espaces – viols collectifs appelés ‘tournantes’, port contraint du voile, mariages forcés, [...] – participe au processus de stigmatisation de ce groupe minoritaire, en même temps qu’elle contribue à occulter les violences que subissent les femmes n’ayant pas d’origines étrangères. » [1] Peut-on, ainsi que le font certain(e)s universitaires, se contenter d’invoquer la sur-médiatisation de quelques « faits divers » sans même prendre en compte les rares témoignages rendus publics par les victimes ? Faut-il avoir peur d’appréhender ce qu’elles nous révèlent des différences de situation selon les territoires ? Ne doit-on plutôt y voir un des signes montrant que, face aux multiples formes de violences, la « parole féminine » est en train de se libérer, y compris dans certains « quartiers pauvres » ?

Les questions de l’insécurité et des violences faites aux femmes à l’aune des situations en banlieue

 De la publication de l’« Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France »… 

Il faut souligner le double intérêt de l’enquête Enveff réalisée il y a près de 10 ans. Il s’agit tout d’abord de la première enquête nationale quantitative, faite auprès d’environ 7000 femmes [2] ; elle a en effet contribué à combler un « vide » d’information en France, puisque ni les données sur la délinquance du Ministère de l’intérieur, ni les enquêtes de victimation ne rendent compte spécifiquement des violences faites aux femmes. C’est ainsi qu’elle a permis notamment à la fois de réfuter le « chiffre noir de deux millions de femmes battues » (faits très largement surestimés) et de révéler l’ampleur, jusque-là sous estimée, des violences de toute nature envers les femmes (du harcèlement au viol), plus particulièrement l’importance des violences conjugales et ce, dans tous les milieux socio-culturels. La vive polémique, à l’initiative du démographe Hervé Le Bras et de la juriste Marcela Iacub (puis d’Elisabeth Badinter), sur le bien-fondé scientifique de cette enquête et la double vulgarisation médiatique et politique qui a été faite de certains de ses résultats, a contribué à largement diffuser les nouveaux « chiffres ronds [de] 1 femme sur 10 victime de violences [et de] 50 000 viols commis chaque année en France » [3]

Mais dans la mise au jour des violences susceptibles d’être faites aux femmes, il y a un autre intérêt, plus méthodologique, à l’enquête Enveff : il réside dans la démarche même du questionnaire qui ne hiérarchise pas a priori les violences envers les femmes et met en avant la notion de « continuum » :

« Nous considérons que les violences envers les femmes forment un continuum incluant les violences verbales, psychologiques, physiques et sexuelles. Nous avons élaboré une liste non exhaustive et non hiérarchisée de faits, gestes, actes, situations ou paroles susceptibles de porter atteinte à l’intégrité physique et morale de l’autre, et donc de constituer des actes de violence [4]. » [Jaspard et al., 2003, p.25]

Contrairement à la présentation caricaturale qui en est faite par certains [5], cette notion ne doit pas être comprise comme l’équivalent du dicton « qui vole un œuf vole un bœuf ». Dans la conception des féministes, ainsi qu’il est clairement réaffirmé, « parler de continuum, c’est prendre en compte la manière dont les victimes vivent. Il ne s’agit pas de dire que chaque homme ayant insulté une femme commettra un viol au cours de sa vie. En revanche chaque femme violée a également subi des violences physiques. Et chaque femme qui n’a pas été violée mais qui a subi une agression sexuelle, ou des violences physiques de la part d’un homme, a également été l’objet de violences verbales et de propos dégradants » [6]

Malgré les incontestables apports de cette enquête nationale et sans vouloir en remettre en cause le bien-fondé scientifique, il me semble qu’il faut en relever certaines limites. Tout d’abord, cette enquête n’ayant pas eu de précédent en France, on ne dispose pas de point de comparaison permettant de dégager des évolutions précises, notamment pour les années 1970 à 2000 où, pourtant, d’après la délinquance constatée par les services de police comme d’après les enquêtes de victimation, on observe une forte hausse des « crimes et délits » et notamment des « atteintes aux personnes », plus particulièrement dans les « zones sensibles » [7]. Les enquêtes menées depuis (« Contexte de la sexualité en France » 2006 ou INSEE « Cadre de vie et sécurité » 2005-2006) ne permettent qu’une comparaison sur un temps très court (2000-2006). La forte hausse des faits rapportés correspondrait avant tout, selon les analystes, « à une plus forte propension à rapporter les événements de violence dans une enquête scientifique », c’est-à-dire à une « libération de la parole des femmes » en particulier pour les « agressions sexuelles [traduisant] l’amplification du rejet de cette forme élémentaire de violence interpersonnelle et le refus de sa banalisation » [Bajos, Nozon, 2008].

De plus, quand il s’agit d’envisager, plus spécifiquement dans les banlieues, l’évolution de la situation des personnes de sexe féminin face à l’insécurité et aux violences, il me semble que le fait de ne pas avoir pris en compte les jeunes filles de moins de 21 ans dans l’échantillon national constitue une limite importante. En effet, étant donné l’importance démographique de la classe d’âge des 16-21 ans dans les « quartiers populaires », cela pourrait avoir contribué à une sous-estimation des diverses violences faites aux personnes de sexe féminin en banlieue.

Enfin, dans l’échantillon Enveff, les « effectifs réduits » des « femmes immigrées d’origine étrangère » (celles d’origine maghrébine, soit 117, ou africaine, soit 30) ainsi que des « femmes issues de l’immigration maghrébine » (soit 94) sont « mentionnés [comme constituant] des contraintes à l’analyse » [Jaspard et al., 2003, p.205]. Il n’en demeure pas moins que cela conduit à une sous-représentation des habitantes des « quartiers populaires » et ne permet donc pas d’appréhender des différenciations sociologiques précises. Aussi le risque est-il réel de voir présentées comme « scientifiquement établies » certaines affirmations assez peu fondées.

Ainsi, dans leurs commentaires complémentaires à la publication de 2003, sans le moindre usage du conditionnel et sans la moindre restriction quant au caractère trop peu représentatif de l’échantillon en raison du faible effectif de femmes d’origine maghrébine dans cette enquête nationale, Stéphanie Condon et Christelle Hamel affirment : « D’emblée on doit noter qu’aucune des jeunes femmes dont les parents sont originaires du Maghreb parmi celles enquêtées dans l’Enveff n’a déclaré avoir subi de violences physiques par ses parents. Comme chez les autres enquêtées, ce type de violence est très peu fréquent » [S. Condon, C. Hamel, in Chetcuti et Jaspard, 2007, p. 206]. Selon ces sociologues, il n’y aurait donc pas de survictimation des personnes issues de l’immigration au sein du cadre familial (en matière de violences physiques). Une telle négation est pourtant contredite par les résultats de l’enquête réalisée en 2006 auprès de jeunes filles « résidant, étudiant ou travaillant en Seine-Saint-Denis ». En effet, il ressort des premières données publiées, d’une part que « les jeunes filles ont été particulièrement victimes de violences au cours de l’enfance et de l’adolescence […] », (« 23% des enquêtées ont subi des violences physiques […] au cours de leur vie. ») ; et d’autre part que « près des deux tiers des coups et autres brutalités ont été infligés par un membre de la famille ou un proche […]. » [8]

 … Aux « premiers résultats de l’enquête sur les comportements sexistes et les violences envers les jeunes filles en Seine-Saint-Denis » 

Cette « enquête sur les comportements sexistes et les violences envers les jeunes filles en Seine-Saint-Denis » présente un grand intérêt, à la fois sociologique et géopolitique, puisqu’elle porte sur un échantillon de 1566 jeunes filles de 18 à 21 ans et ce, au niveau plus précis d’un département de la banlieue parisienne. C’est pourquoi on peut regretter que les « résultats complets » de cette enquête n’aient pas (pas encore ?) été publiés contrairement à l’annonce faite en mars 2007 précisant qu’ils « ne seront disponibles qu’en novembre prochain […] ». Deux ans plus tard il n’y a toujours pas d’autre publication que les quatre pages de présentation sur le site de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de Seine-Saint-Denis. Malgré des demandes réitérées auprès de cet Observatoire (par téléphone et par e-mail) en octobre et novembre 2009, il n’a pas été possible d’obtenir la moindre donnée complémentaire sur cette enquête.

Du fait même de l’attente scientifique suscitée par cette première enquête réalisée au niveau d’un territoire incontestablement représentatif des problèmes sociaux des banlieues, on ne peut que constater (et déplorer) la publication finalement très fragmentaire des données recueillies et le caractère trop elliptique de certains commentaires qui accompagnent ces résultats. Ainsi, concernant la sociologie des victimes, dans la première version mise en ligne en mars 2007, on pouvait lire que « l’influence des catégories socio-professionnelles des parents n’est pas démontrée » mais il était explicitement mentionné que « leur origine ethnique apparaît comme un facteur à prendre en compte » [9]. En revanche dans une deuxième version des « premiers résultats de l’enquête » mis en ligne en novembre 2007 sur le site du Conseil général de Seine-Saint-Denis, on peut encore lire que « tous les milieux sociaux sont concernés », mais l’importance du facteur de l’origine ethnique a été abandonné au profit d’une assertion à la fois différente et plus floue selon laquelle « l’appartenance religieuse n’est pas liée au niveau de victimation des jeunes filles interrogées en Seine-Saint-Denis. » [10] Comme le fait remarquer le sociologue Smaïn Laacher, on est en droit de s’interroger sur le bien-fondé d’une telle affirmation sachant que « pourtant, ce département compte une importante population étrangère et d’origine étrangère de confession musulmane », et ce, d’autant plus que « si ‘les taux de violences relevés dans cette enquête sont particulièrement élevés, et ce dans tous les cadres de la vie’, […] ni la nationalité, ni l’origine ethnique ne sont mentionnées. » [Laacher, 2008, p.131-132]. De fait, il faut préciser que, dans la version actuelle directement accessible sur le site du Conseil général de Seine-Saint-Denis (novembre-décembre 2009), tout le passage sur « l’analyse sociologique » a purement et simplement été supprimé [11]..

Même si le but probable d’une telle présentation lacunaire est de ne pas stigmatiser les personnes issues de l’immigration, l’effet risque d’être inverse du fait même de son manque de crédibilité. Il faut d’ailleurs noter que ces commentaires (étayés sur des données statistiques non accessibles aux citoyens) se trouvent en net décalage avec certaines conclusions de l’enquête nationale INSEE de 2006-2007, selon lesquelles « la nationalité des femmes a un impact fort » : « Ainsi les femmes étrangères hors Union européenne sont, nettement plus souvent que les autres, victimes de violences spécifiquement féminines, en premier lieu d’agressions sexuelles en dehors du ménage, mais aussi de violences domestiques […]. » [INSEE Première, n°1180 février 2008, p.3)]

 Intérêt et limites de l’« approche de genre sur l’insécurité dans l’espace public » en France 

Compte tenu de la rareté des études consacrées en France à l’insécurité et aux violences envers les femmes dans l’espace public, l’ouvrage de Marylène Lieber, Genre, violences et espaces publics, constitue un apport intéressant dans le champ de l’analyse critique des politiques publiques, notamment des contrats locaux de sécurité, étant donné la faible attention accordée aux aspects spécifiques des atteintes à l’encontre des femmes. A partir du cas parisien, il est ainsi montré que, contrairement aux intentions initialement affichées, « les violences envers les femmes ont été évacuées des divers contrats de sécurité d’arrondissement » [Lieber, 2008, p.187]. De même, le refus d’agir de façon spécifique pour tenter de réduire l’insécurité faite aux femmes dans l’espace public est clairement mis au jour à partir de l’exemple des « marches exploratoires […] inspirée[s] des expériences canadiennes » [12] qui ont vite été délaissées et « n’ont pas été considérées comme un outil de diagnostic local » [Lieber, 2008, p.177-184]. Après avoir ainsi démontré que « les violences envers les femmes dans les espaces publics ne font […] généralement pas l’objet d’une attention particulière de la part des services publics » et rappelé, « parallèlement, […] une tendance à occulter la part importante de femmes victimes de violences conjugales », la sociologue conclut fort justement « qu’on a affaire à une double invisibilité des violences envers les femmes » [Lieber, 2008, p.196].

Pourtant, sur le plan du débat scientifique, certaines prémisses de cette « approche de genre sur l’insécurité » en France dénotent une tendance à déformer, voire à ignorer, les recherches préalablement réalisées, en particulier celles sur le « sentiment d’insécurité » de Sébastian Roché. Ainsi, après avoir relevé le fait que « les rapports sociaux de sexe ne sont que rarement intégrés dans les recherches sur le sentiment d’insécurité […] », Marylène Lieber déplore que « dans la majorité des cas le sentiment de vulnérabilité exprimé par les femmes est considéré comme une évidence, voire un effet de ‘nature’ ». Or, la sociologue précise en note que c’est le cas « notamment [de] Sébastian Roché, [1993] ». [Lieber, 2008, p.59] [13] . Malgré cette référence à son premier ouvrage (sans indication de page précise néanmoins), on est en droit de se demander si les travaux du sociologue ont été précisément appréhendés. En effet, S. Roché précise d’emblée que « le sexe et l’âge sont les facteurs sociaux par excellence » et ajoute que « rien n’est plus le produit de l’histoire que les définitions sociales de ce qu’est une femme ou un homme, un vieux ou un jeune dans la France contemporaine. » [Roché 1993, p.24-25]. Et quand, d’après des enquêtes quantitatives, il constate que « les femmes expriment leur peur personnelle beaucoup plus souvent (l’écart avec les hommes est de 25 à 30 points de pourcentage) », Sébastian Roché prend grand soin d’expliquer qu’il s’agit des conséquences d’une différence, non pas de « nature », mais résultant d’un processus socio-historique : « Les femmes remplissent là une fonction sociale. L’expression de leur peur est légitime, corrélativement elles font plus facilement l’expérience subjective de la peur : elles la ressentent et la disent parce que la société leur enjoint de le faire. » [Roché, 1994, p.57]

En outre au-delà de la réfutation de la thèse d’une perception « fantasmatique » de l’insécurité - thèse en vogue dans les représentations de la plupart des sociologues et politologues des années 1970-1980 -, il faut rappeler que l’essentiel de la recherche de S. Roché porte, à l’époque, sur le rôle de l’insertion des personnes dans divers types de réseaux de relation pour expliquer l’expression de la peur face à l’insécurité. Au lieu de négliger l’apport de la réflexion de ce sociologue empiriste sur le sentiment d’insécurité, ne faut-il pas plutôt relever une nette convergence d’approche entre l’importance accordée à la notion de « continuum » dans les violences envers les femmes et la mise au jour du rôle des « incivilités » dans l’explication des peurs de l’insécurité ?

Dès les années 1990, dans ses premiers travaux sur le « sentiment d’insécurité », Sébastian Roché insiste sur le rôle de la multiplication des incivilités sur certains territoires dans la cristallisation des peurs. Précisant d’emblée que les incivilités consistent en « des comportements qui ne sont pas nécessairement illégaux au sens juridique, mais que l’on trouve systématiquement associés aux déclarations d’inquiétude », il met l’accent sur la mise en cause de l’ordre social le plus quotidien (qu’il appelle « l’ordre en public ») parce que c’est indispensable pour comprendre (« le chaînon manquant ») en quoi de « petits actes » peuvent être à l’origine du développement de véritables craintes [Roché, 1993, p. 142 ; 1996, p. 75-77]. S’appuyant sur de nouveaux travaux d’enquête, S. Roché a présenté en 1998 un « modèle » explicatif plus approfondi qu’il résume ainsi : « Le modèle Prexvu fait l’hypothèse simple que les personnes qui sont soumises à une pression importante des désordres sur le territoire où elles vivent et exposées à la délinquance et aux incivilités personnellement ou par l’intermédiaire de leurs proches, et en même temps démunies des moyens de réaction individuels et collectifs sont les plus craintives. […] On peut faire l’hypothèse [que cette crainte] se traduit par une expression verbale de la peur […], mais aussi par des demandes de sécurisation […] et des comportements d’adaptation (évitement, repli). » [Roché, 1998, p. 300-302] [14]

Sans avoir précisément le même objet d’étude, il me semble que ces analyses de S. Roché sur le rôle des incivilités dans le développement du sentiment d’insécurité apportent des éléments de confirmation aux hypothèses formulées par M. Lieber, S. Condon et F. Maillochon, sur l’insécurité faite aux femmes dans l’espace public « quand des faits ‘anodins’ se font menace » :

« Cette tension imposée aux femmes par l’intermédiaire de formes de harcèlement ‘ordinaire’ pourrait expliquer le niveau élevé de peurs déclarées par les femmes résidant dans les grandes agglomérations. » [Condon, Maillochon, Lieber 2005, p.285]

De même, on doit relever la pertinence de la conclusion de ces chercheuses sur l’insécurité perçue par les femmes dans l’espace public :
« Les lieux publics n’apparaissent donc pas uniquement comme un espace de violences physiques. Ils sont aussi d’une certaine manière l’espace de violences symboliques, psychologiques parce qu’un certain nombre des interactions qui s’y jouent portent une menace qui pèse, au-delà du moment où elles se produisent » [Condon, Maillochon, Lieber 2005, p.287].

Dès lors, ne faut-il pas considérer que cette présentation des « lieux publics » comme « espace de violences symboliques », pour le cas précis des femmes, rejoint ce que S. Roché avait appréhendé (certes d’une façon moins spécifique) pour tout individu confronté à la multiplication de « petits actes » dans telle ou telle portion de l’espace public ?

« [...] Les incivilités constituent une double menace : à la fois pour soi et pour les normes.[...] de plus en plus souvent, les incivilités sont vécues par la population comme une rupture radicale du lien social. » [Roché, 1996, p.76]. Et c’est également une forte proximité que l’on peut observer entre la conclusion de S. Roché qui précise que « la peur est anticipative, elle sert à se protéger : elle n’est pas simplement réactive » [Roché, 1998, p.302] et l’analyse faite par les universitaires féministes en terme d’anticipation du risque :

« Certains actes ne sont pas considérés a priori comme violents, mais rappellent aux femmes qu’elles courent un ‘risque’. […] La raison principale pour laquelle ces personnes ont peur est qu’elles ne savent pas où cela peut les mener, elles anticipent le risque de dérapage ». [Condon, Maillochon, Lieber 2005, p.286].

En revanche, on observe une nette tendance, chez plusieurs de ces universitaires féministes à minimiser, voire à négliger de prendre en compte l’ampleur de l’omerta sur la fréquence des atteintes de tous ordres à l’encontre des jeunes filles des « quartiers populaires ». On trouve assez systématiquement des commentaires cherchant à établir le fait qu’il n’y aurait pas de différenciation majeure selon les territoires. Ainsi le commentaire final de l’enquête sur les violences envers les jeunes filles dans la Seine-Saint-Denis conclut de façon étonnante : « Ces données ne sont pas caractéristiques de la Seine-Saint-Denis, elles sont en adéquation avec d’autres données statistiques nationales ». Pourtant les faits présentés dans ces « premiers résultats » font ressortir une très réelle survictimation des jeunes filles dans l’espace public (comme d’ailleurs dans la sphère privée) : la proportion des jeunes filles de 18-21 ans ayant été victimes de violences physiques dans l’espace public est de 11% selon l’enquête faite en Seine-Saint-Denis, alors qu’elle n’est que de 2,7% pour les jeunes femmes de 20-25ans dans l’enquête nationale Enveff. Et il est sans doute encore plus significatif de prendre en compte le fait que près de deux tiers (64%) des jeunes filles de ce département ont subi des « atteintes sexuelles (pelotage, suivie dans la rue avec insistance, avances ou propositions sexuelles déplaisantes, confrontation à un exhibitionniste) » dans l’espace public durant les douze mois qui ont précédé l’interview, alors que la proportion (pourtant déjà élevée) dans l’enquête Enveff ne dépassait pas le quart pour les 20-25ans (21,8% exactement) [15]. Tout particulièrement si l’on se fonde sur la notion de « continuum » en matière de violences faites aux personnes de sexe féminin, on ne peut pas voir là uniquement le simple effet d’une surmédiatisation de quelques faits divers en banlieue.

Enjeux géopolitiques des représentations des violences envers les femmes en banlieue

 La question des « tournantes » : surmédiatisation ou début de « libération de la parole » ?  

Quelles que soient les incertitudes statistiques sur leur évaluation, il est un fait que le nombre de viols collectifs reste très inférieur à celui des viols dont l’auteur a agi seul [16]. Et il est indiscutable qu’en banlieue les autres formes de violences au sein de la sphère domestique comme dans l’espace public sont beaucoup plus fréquentes que les viols, a fortiori que les viols collectifs. Pour autant il me paraît important d’envisager les représentations sur cette question. Sans vouloir réduire à ce seul type de violence les risques encourus par une jeune fille ou une femme, cette approche devrait permettre, au contraire, d’arriver à mieux cerner les enjeux de la question plus globale de l’insécurité faite aux personnes de sexe féminin dans les banlieues.

Pour certains sociologues, comme Laurent Mucchielli, la question des « viols collectifs » doit être inscrite dans un temps historique long, du Moyen Âge au XXI e s. Cela permet ainsi de montrer le caractère immuable du phénomène et de contester par là même la hausse récente de ce type de crime. Ainsi, on verrait se perpétuer une sorte de tradition du « comportement juvénile », aussi bien des milieux étudiants que de certaines franges des classes populaires comme les « Blousons noirs » dans les années 1950-60 ou certains « jeunes Français issus de l’immigration » depuis les années 1990 [Mucchielli, 2005, 34-54].

Or une telle représentation (proche de « l’histoire immobile ») ne prend pas du tout en compte une appréhension de la chronologie selon un temps plus court : celui du « combat féministe » qui est, au moins en partie, celui de l’évolution des mœurs en France depuis les années 1960, non seulement dans les classes moyennes mais également dans les classes populaires. Les dates clés en sont : en 1975, « la loi Veil » sur l’IVG ; en 1980, la définition juridique du viol ; en 1992-94, le nouveau code pénal qui incorpore « les atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne » et donc, la spécificité des violences envers les femmes. Mais, alors que « dans les banlieues ouvrières comme ailleurs, la liberté féminine, surtout lorsqu’elle concerne le corps des femmes, fut une conquête des années 1970 », comme le souligne Barbara Loyer, « les années 1990 sont marquées par une régression de ces droits dans les banlieues pauvres » [Loyer, « Femmes » in Giblin, 2009 p.177]

C’est pourquoi on ne peut se satisfaire du schéma proposé par L. Mucchielli (et repris par certaines universitaires féministes) qui fait de la sortie du film La Squale (en novembre 2000) le point de départ d’une « panique morale », amplifiée par « l’incendie médiatique » développé à partir de quelques « faits divers » (procès de la « tournante » d’Argenteuil, meurtre de Sohane…), du livre de Samira Bellil et des « ambiguités d’un discours féministe très politisé » de l’association Ni Putes Ni Soumises (NPNS) aboutissant à « la diabolisation des Arabo-musulmans » [Mucchielli, 2005, p.9 ;14-19 ; 87-90]. En effet, un tel schéma tend à ne retenir qu’un phénomène de surmédiatisation là où, au contraire, on peut repérer la fin d’une trop longue période de quasi silence sur toutes les formes de violences envers les personnes de sexe féminin dans les banlieues [17]. Si en 2000-2003, la vulgarisation de l’enquête Enveff a permis de faire connaître, au moins partiellement, la diversité et l’ampleur des violences envers les femmes appartenant à tous les milieux sociaux, le choix de Samira Bellil de publier son livre-témoignage et le choix géopolitique et médiatique de « la marche des femmes des cités pour l’égalité et contre les ghettos » par l’association NPNS [Giblin, 2009 p.306-307] a contribué à libérer la parole de nombreuses personnes « invisibles » sur les violences dans les « cités » envers les jeunes filles et les femmes, mettant au jour un continuum qui va de la « catégorisation » par l’habillement, aux viols collectifs, en passant par toutes les formes de violences au sein des familles comme dans l’espace public [18].

Dans le discours de certain(e)s sociologues, on assiste à une dévalorisation des témoignages des victimes (filles ou femmes) par rapport à ceux des auteurs de tels crimes, dès lors qu’il s’agit de ne pas stigmatiser tout « jeune issu de l’immigration ». Ainsi, dans Le Scandale des « tournantes », qui se donne à lire comme « une contre enquête sociologique », L. Mucchielli n’hésite pas à s’appuyer sur un article présenté comme une « exception » à la « dérive médiatique », notamment parce qu’il « reli[e] la violence des adolescents [et] la misère économique » et qu’il se termine en affirmant que « les bourreaux sont parfois aussi des victimes » [19]. Loin d’être une enquête fouillée, l’article met surtout en valeur les propos des défenseurs des auteurs présumés d’une série de viols en réunion (à Roubaix), de septembre 2001 à janvier 2002, à l’encontre d’une collégienne de treize ans. Ni la victime, ni ses parents (au chômage et RMIstes) ne sont vraiment pris en compte. La journaliste comme le sociologue se désintéressent du fait de savoir qu’après « la tournante de la misère », « Sarah » et ses parents ont subi pendant deux années de multiples pressions venant de l’entourage (jeunes et adultes) des violeurs, que la fillette a dû changer de commune à trois reprises pour tenter d’échapper aux harcèlements. Finalement les membres de cette famille ont été contraints de quitter l’aire de la métropole lilloise et le Nord pour retrouver une certaine sécurité [Alidières, 2006, p. 321-323]. Négligée par ce sociologue, c’est pourtant l’emprise territoriale des « jeunes » violeurs (et de leurs soutiens) qui constitue une des spécificités des violences envers les jeunes filles des « cités ».

Alors qu’on se réfère fréquemment à la représentation de L. Mucchielli qui n’accorde qu’une faible attention aux victimes des viols, le livre de Samira Bellil n’est presque jamais cité [20]. Pourtant, parmi les informations que recèle son témoignage poignant sur la situation qui est faite aux jeunes filles de banlieue, il en est certaines qui confèrent aussi à cet ouvrage un réel intérêt sociologique et géopolitique. C’est le cas plus particulièrement de tous les passages où sont évoquées les diverses formes de contrôle qui affectent les jeunes filles dans les « quartiers populaires ».

 Quelques données extraites du livre-témoignage de Samira Bellil : 

- Les actes de « jeunes » (majeurs et mineurs) envers une mineure de 14 ans :
« Dix minutes plus tôt, nous rigolions ensemble, maintenant je suis face à des bêtes furieuses qui s’acharnent sur moi. J’entends : « Ferme ta gueule ! » pendant que sept ou huit enragés me défoncent la tête, en réclamant leur part. Ils veulent que je leur fasse une petite « gâterie » à chacun. [...][K.] n’a aucune pitié pour moi, il continue à me frapper jusqu’à ce que je n’aie plus la force de réagir [...]. Et voilà que ça recommence. [...] Je fais ce qu’on me dit de faire, comme un automate. [...] Je suis une espèce d’esclave, je suis une merde, une rien entre leurs mains. [...]Ils ont profité de moi toute la nuit, lâchant leurs plus bas instincts. » [Bellil, 2002, p.25-31]]
- L’omerta des rares témoins :
« Deux personnes seulement m’ont vue après le viol : Sofia et Rachida. Sofia n’a pas le téléphone […] Je donne le numéro de Rachida à une femme flic […] Non seulement Rachida ne viendra jamais, mais encore elle préviendra la clique de ma plainte… En me balançant elle se protège elle-même. Elle a donc choisi son bord. Elle a choisi de se résigner à ce qu’on fait subir aux filles. » [Bellil, 2002, p.67]
- Le poids du contexte ethno-culturel arabo-musulman :
« En réalité, j’ignore que ce que j’ai subi est un crime puni par la loi. […] Je suis tellement habituée à la violence et aux mauvais traitements à la maison et dans la rue que je crois que c’est une fatalité. Je ne suis que honte et culpabilité. […]En fait je pense mériter ce que j’ai subi parce que je ne suis plus vierge. Chez les musulmans, ne plus être vierge pour une jeune fille est un sacrilège et je sais que mon père pourrait me tuer pour cela. J’ai couché avec Jaïd. […] Je n’ai donc pas à me plaindre de m’être fait violer. Je l’ai cherché. C’est bien sûr ce qui se dit autour de moi, mais c’est aussi ce que je pense de moi. » [Bellil, 2002, p.61-62]
- Dans la cité, l’emprise par la « réputation » et le harcèlement :
« Comment tous ces gens ignorants de la réalité pourraient-ils comprendre […] la peur que j’ai de retomber dans les griffes de mes agresseurs et de subir leurs représailles pour avoir porté plainte ? Peuvent-ils imaginer la prison dans laquelle tout le monde m’a enfermée depuis les viols, en mettant sur moi cette étiquette indécollable : « fille facile, meuf à cave, salope » ? Car depuis les viols, je vis un harcèlement permanent de la part de personnes sans scrupules. Je subis dans des lieux publics leurs insinuations, leurs remarques acides, leurs injures. » [Bellil, 2002, p.126]
- L’extension du contrôle-harcèlement hors de la cité :
« Je fais attention à éviter certains endroits, certaines bandes qui veulent faire mumuse avec moi. Quand une fille s’est fait serrer, les mecs veulent tous en profiter. C’est la loi des cités. S’engage alors un jeu dangereux. Je joue au chat et à la souris partout, dans le RER, dans le bus, dans les rues. J’ai les nerfs à vif […]. Trop de peur […], obsédante. » [Bellil, 2002, p.39]
- Un « continuum » de responsabilités dans les violences subies :
« Serait-il juste que les responsables de ce gâchis dorment tranquilles ? Que K et ses potes [les auteurs du viol collectif], que l’avocate, que l’association [qui défend les droits des enfants], que les services sociaux, que mes parents eux aussi dorment tranquilles ? […] J’ai voulu montrer à quel point la négligence de ma famille, de mon entourage, de l’avocate, des services sociaux m’a déglinguée, en plus du traumatisme des viols » [Bellil, 2002, p.273]

Avant tout on perçoit l’emprise des petites « bandes de jeunes », mineurs et jeunes majeurs regroupés autour d’un ou plusieurs « caïds », qui s’exerce non seulement sur le territoire d’une cité mais peut s’étendre au-delà, suivant les axes de transport public. Insultes, crachats, harcèlement, humiliation, attouchements, tentatives de rapport forcé, etc. quel que soit le type de violence elle s’exerce en priorité à l’encontre de celles qui sont repérées comme fragiles ou sans « protection », comme trop « féminine » ou trop « libre ». Ce contrôle est susceptible de s’exercer sur toute jeune personne de sexe féminin mais avec un moindre niveau de pression (et de visibilité) si elle se résigne quotidiennement à diverses formes d’évitement (limitation des sorties, accompagnement par un adulte, port du voile, absence de jupe, etc.). Mais il y a également, dans chaque « famille large », le contrôle « traditionnel » sur la liberté individuelle des seules filles « hors de la maison » par un ou plusieurs hommes (père, « grand frère », oncle) mais aussi par toute personne susceptible de repérer les faits et gestes au sein de la cité. D’autant que se surajoute un contrôle plus diffus mais tout aussi prégnant dans les esprits, lié au contexte ethno-culturel arabo-musulman, qui est focalisé sur la virginité des seules jeunes filles associée à « l’honneur » du clan familial comme de la « communauté » d’origine.

Le récit de Samira Bellil et les comptes rendus de certains procès d’auteurs de viols collectifs font ressortir combien ces deux derniers types de contrôle rendent plus difficiles la défense et la protection des victimes des « tournantes » car elles sont présentées comme coupables par rapport aux « normes » (coutumes) de la tradition. Cela peut conduire à l’omerta de telle ou telle famille, voire de toute la « communauté » au niveau du quartier concernant les auteurs d’un viol collectif. La « cité » peut être ainsi, plus particulièrement pour la population féminine, un territoire échappant, au moins partiellement, aux lois de la République

 Une peur « stéréotypée » des femmes envers le « garçon arabe » ? 

Par crainte de contribuer au renforcement du racisme, certaines sociologues féministes ont tendance à minimiser la réalité des diverses formes d’insécurité faites aux personnes de sexe féminin en banlieue, notamment le harcèlement dans les lieux publics.

Ainsi, par exemple, concernant la faible présence dans l’espace public des jeunes filles de la « cité » qui constitue son terrain d’enquête, Julie Deville concède qu’« une partie d’entre elles a pu se trouver dans des situations où des garçons avaient effectivement des attitudes agressives à leur égard », précisant d’ailleurs en note qu’elle « en a fait [elle-même] l’expérience » : « entendre un groupe d’adolescents constater qu’on est une femme, puis vous suivre en passant par des chemins détournés que permet la configuration du quartier n’a rien de plaisant, et on comprend que des jeunes filles préfèrent éviter de telles situations ». [Deville, 2007]. Mais, dans le corps de son article, ce constat d’une insécurité faite aux personnes de sexe féminin est juxtaposé, d’une part à une affirmation qui contribue à minimiser la responsabilité de ces « garçons » en la noyant dans une sorte de phénomène de communauté villageoise : « elles savent que les écarts à la norme amènent fréquemment, de la part des hommes comme des femmes, des jeunes comme des adultes, des remarques mettant en cause la moralité de celles qui les commettent ». [Deville, 2007, note 14, nous soulignons]. Et d’autre part, en conclusion du paragraphe, la sociologue reprend à son compte le cliché d’un sentiment d’insécurité largement fantasmatique en insistant sur le fait que « cette crainte est régulièrement réactivée par le stéréotype, porté par les médias, qui fait des jeunes hommes des quartiers populaires des agresseurs potentiels […] » [Deville, 2007].

Dans les études de genre sur l’insécurité en France, on considère le plus souvent qu’il n’y a pas de spécificité de l’insécurité faite aux femmes dans les banlieues. Le délaissement de ce champ d’investigation se fait au nom d’une certaine représentation « féministe » : il s’agit de ne pas risquer de réduire l’ampleur des violences sexistes par un exposé des données qui accorderait trop d’importance à « la dimension culturelle » et consisterait « autrement dit [à] jouer sur des rapports sociaux de race » contribuant « à stigmatiser les attitudes des hommes des catégories sociales les plus défavorisées tout en laissant intouchées celles des hommes des catégories moyennes » [Lieber p. 291-292]. Ainsi, quand on se penche sur la place accordée aux propos des vingt-six personnes de sexe féminin interviewées dans l’ouvrage de Marylène Lieber [21], il apparaît que seuls les extraits de quelques entretiens sont abondamment cités (à savoir ceux de Mathilde [18 fois], de Dorothée [13 fois], Marthe [11 fois] et Alice [10 fois], qui sont toutes les quatre étudiantes) alors que plus de la moitié des personnes de l’échantillon sont citées moins de trois fois et le plus souvent fort brièvement. Mais surtout la sociologue s’efforce de réduire la portée de certains témoignages (ceux de Jennifer et de Pauline) dès lors qu’ils évoquent l’origine maghrébine ou africaine des auteurs de harcèlement ou d’autres violences envers les femmes.

En effet, loin d’accorder une place notable au seul témoignage d’une lycéenne résidant en banlieue (à Guyancourt) et allant quotidiennement par les transports en commun à son lycée (à Trappes), on ne trouve qu’un très court extrait de l’entretien avec Jennifer où celle-ci explique : « [il] faut savoir ne pas se laisser faire […] Gare de Trappes, il n’y a que ça : des arabes qui viennent vous draguer ». Mais Marylène Lieber choisit de faire précéder ces mots disant l’insécurité perçue au quotidien d’un « chapeau » les enfermant sous l’étiquette « stéréotype » [22], ce qui revient à en nier toute valeur informative quant aux auteurs de violences (au moins psychologiques) envers les jeunes filles en gare de Trappes. 

Il en est de même pour le cas de Pauline, couturière dans le 19e arrondissement de Paris dont certaines paroles sont rapportées : « elle n’a pas envie d’être seule dans le quartier dans lequel elle travaille ‘après 20heures […] parce qu’il y a les bandes de mecs qui sont […] un peu impressionnants [et qu’] on ne sait pas trop ce qu’ils font. […] On ne sait pas si ce qui les intéresse c’est de violer une fille, c’est de lui voler son porte-monnaie, ou s’ils se fichent complètement de nous » [Lieber 2008, p.271-272]. Mais, de nouveau, ce témoignage est précédé d’un commentaire qui réduit la portée des propos de cette femme en en suggérant le caractère plus ou moins raciste : « Les Maghrébins et les Noirs sont également dénoncés comme agresseurs lorsque mes interlocutrices parlent de ‘bande de jeunes’. D’usage très répandu, ce terme fait office de litote pour parler des jeunes hommes d’origine maghrébine ou africaine. » [Lieber 2008, p.271]

S’éloignant d’une approche réellement empirique visant à mettre au jour divers types de situation de harcèlement ainsi que les différents types d’expression des peurs face à l’insécurité que les femmes subissent selon les lieux publics, il s’agit pour la sociologue d’enserrer ces trop brefs extraits de paroles dans une construction idéologique a priori, celle d’un antiracisme moralisateur et abstrait, fort éloigné des réalités auxquelles aussi bien la lycéenne ou la couturière sont susceptibles d’être confrontées dans l’espace public d’une lointaine banlieue comme d’un quartier « populaire » de Paris.

 Le rôle du contexte ethno-culturel et religieux : ni « essentialisme », ni omerta 

Dans la présentation géopolitique du Dictionnaire des banlieues, outre la gravité des problèmes sociaux en terme de chômage et de précarité, une des caractéristiques spécifiques aux territoires à forte proportion de personnes issues de l’immigration magrébine et africaine est que « dans les familles de tradition musulmane, la relation à [la] liberté individuelle, en particulier celle des femmes est plus difficile. » Béatrice Giblin retient également le fait que « l’endogamie est […] un frein à l’évolution vers une société française renouvelée, mais cohérente, car elle contribue à cet enfermement des quartiers et au contrôle des filles. » [Giblin, 2009, p.36]. Au contraire, certain(e)s universitaires refusent de prendre en compte les questions de la dégradation de la condition féminine dans les banlieues et de la restriction des libertés individuelles par un risque accru de communautarisme. Une utilisation partielle (et parfois partiale) de l’enquête Enveff leur permet de nier au nom de l’antiracisme toute possibilité de lien entre les violences faites aux personnes de sexe féminin et la culture patriarcale des sociétés d’origine plus ou moins transplantée dans certains territoires de banlieue.

Ainsi, par crainte légitime des « explications essentialistes », on peut aboutir au refus pur et simple de prendre en compte toute approche incluant la dimension ethno-culturelle et/ou ethno-religieuse dans l’explication des violences faites aux filles et aux femmes dans les banlieues. Une telle position idéologique conduit ainsi à ignorer, notamment, les travaux de Camille Lacoste-Dujardin sur les jeunes filles « de Nanterre et d’ailleurs » [1992] où l’importance du « conservatisme de résistance des parents contre les dangers supposés du milieu de vie étranger » est un des aspects mis au jour : « Ce conservatisme […] induit une crispation familiale autour de jeunes filles considérées comme l’élément le plus vulnérable de la famille et de son honneur. D’où l’enfermement en partie imposé, en partie réactionnel, sorte de cage tissée du réseau de prescriptions et d’interdits inculqués comme des peurs et des angoisses qui en résultent, cage qui isole les jeunes filles dans une sorte d’auto-exclusion de la société française […] ». Mais son enquête fait également ressortir, chez nombre de ces jeunes filles d’origine maghrébine, le fait que « la dépréciation, voire le rejet des conditions de vie au Maghreb […], le refus de la discrimination et de la ségrégation entre les deux sexes, [la] révolte contre la domination masculine sont autant d’incitations décisives à l’intégration en France » [Lacoste-Dujardin, 1992, p.264-267]. Ainsi, tout en ayant montré dès les années 1980 que « dans les sociétés de culture maghrébine, et pour leurs membres de part et d’autre de la Méditerranée la gestion sociale de la sexualité est en train de céder le pas à sa prise en charge individuelle » l’ethnologue affirme qu’« entre les deux la transition est souvent difficile […] et donne lieu à des excès » [Lacoste-Dujardin, 1992, p.167]. Pour partie au moins, des « excès » de cette transition découle le bilan d’une exposition plus fréquente aux situations de violence en banlieue que pour l’ensemble des femmes en France.

L’enquête plus récente « sur les citoyens d’origine maghrébine, africaine et turque » réalisée par les politologues Sylvain Brouard et Vincent Tiberj [2005], apporte des éléments d’information précis que certaines sociologues « féministes » et/ou « anti-racistes » semblent tout autant méconnaître. Malgré une grande diversité de points de vue selon les personnes interrogées, Sylvain Brouard et Vincent Tiberj constatent « un niveau de tolérance sexuelle moins fort », précisant que « la proportion de conservateurs fait plus que doubler parmi les Français issus de l’immigration », et que « les moins tolérants parmi les ‘nouveaux’ Français s’avèrent être les hommes de 18 à 24 ans (27% de permissifs […]) ». Les deux politologues prennent soin d’ajouter : « l’écart important entre hommes et femmes dans la jeune génération (42% de femmes permissives) rend bien compte des tensions entre les sexes constatées ces dernières années, une partie des jeunes hommes étant alignés sur un modèle conservateur, alors que la majorité des jeunes femmes a adopté une perspective plus libérale, plus conforme à celle de leur génération ». Les résultats de l’enquête concernant le rôle de la religion en matière d’intolérance sexuelle sont particulièrement nets : « la confession musulmane entraîne un plus fort conservatisme, même en comparaison avec le catholicisme ». Et il est d’ailleurs précisé que « le niveau d’intolérance s’accroît avec la fréquentation régulière des mosquées ». S’il ne s’agit pas de généraliser jusqu’à en faire la caractéristique de la majorité des « nouveaux Français », ils concluent sans hésitation qu’un « noyau dur conservateur demeure, généralement associé à la pratique de l’islam » [Brouard, Tiberj, 2005, p.87-89, 94]

Sans en faire l’unique facteur d’explication des plus forts taux de violences faites aux jeunes filles et aux femmes des banlieues (comme celles de Seine-Saint-Denis), peut-on pour autant rejeter a priori l’influence de ce « noyau dur conservateur » en matière de mœurs dans la sphère domestique comme en matière de « violences psychologiques » envers toute personne de sexe féminin dans l’espace public ? On ne peut se contenter comme le font, par exemple, Stéphanie Condom et Christelle Hamel d’invoquer « l’hypothèse d’une conception différente des modalités de décohabitation des enfants dans les familles maghrébines ainsi que « les processus discriminatoires à l’œuvre […] dans l’accès au logement » pour rendre compte des restrictions à la liberté individuelle des jeunes « descendantes d’immigrés maghrébins », pas plus qu’on ne peut simplement mettre en avant la « densité de l’habitat » pour expliquer l’insécurité que font régner certains « jeunes gens du voisinage » dans l’espace public [S. Condon, C. Hamel, in Chetcuti et Jaspard, 2007, p.214-215, 220].

La question dépasse d’ailleurs les seules personnes de sexe féminin. Elle concerne aussi les homosexuels. Il n’y a pas encore d’enquête scientifique de grande envergure sur le phénomène, mais le témoignage de Brahim Naït Balk ouvre des pistes qui sont étrangement parallèles à celles que l’on vient d’évoquer sur les femmes et la culture patriarcale des familles méditerranéennes en général, musulmanes en particulier : « Il faut que je me débarrasse de cette honte obsédante dans ma culture, et en chacun d’entre nous. À force, nous l’intégrons comme valeur positive : il est bien vu de vivre avec la honte, surtout pour une femme, mais pas seulement. Tant qu’on reste dans la norme, que l’on obéit aux règles, tout va bien. Sinon, on est montré du doigt presque comme un traître ». Il y a quelques dizaines d’années, cette phrase aurait pu être écrite par une personne de famille chrétienne conservatrice. Aujourd’hui, le contexte international de l’essor islamique et islamiste se combine avec les situations locales très singulières de certaines banlieues, où l’empire de la norme conservatrice s’articule avec le contrôle violent de petits territoires : « Le pire, dit Brahim Naït Balk, qui a grandi dans une cité minière à Saint Etienne, je le connaîtrai lorsque j’habiterai dans ce qu’on appelle des « cités difficiles » de la banlieue parisienne (…) : injures homophobes et humiliations, intimidation, chantage, agressions sexuelles et tentatives de viol, pour ne pas dire viol, je fus des années durant la proie de petits caïds (…) Au bout du compte, j’aurai davantage souffert de la haine homophobe de la part de personnes partageant mes origines que du racisme antiarabe » (Naït-Balk, 2009).

Conclusion

Dans une logique d’approche géopolitique de la question des violences envers les femmes en banlieue, il me semble nécessaire d’opérer, en conclusion, un détour par la prise en compte de la situation faite aux femmes dans les villes d’Algérie. « Chez de nombreuses femmes […], on note l’accroissement de la perception d’insécurité au niveau des quartiers d’habitat […]. La tendance à l’évitement la plus importante est observée surtout au niveau des espaces adjacents aux espaces publics de loisirs […]. [Cela] a favorisé leur appropriation par les groupes de marginalisés et délinquants [qui] s’emparent de ces espaces et les détournent de leur usage pour les transformer en des supports adéquats pour leurs activités délinquantes (abus d’alcool, de drogue…). » [23] Dans cette présentation par une universitaire algérienne de l’insécurité faite aux femmes dans l’espace public des nouveaux « quartiers d’habitat » de la ville de Batna, est-on très éloigné des faits observés dans certains territoires en France ? Faut-il relever dans les faits rapportés une volonté de « stigmatiser le garçon arabe » ou une « assignation ethnique à la différence » comme certain(e)s peuvent l’affirmer chaque fois qu’il est question de données analogues dans les banlieues françaises ?

Dans les travaux universitaires sur les « cités », il est fréquent de se référer à un ouvrage, « les Féministes et le garçon arabe » [24], qui s’apparente pourtant moins à une approche scientifique qu’à une sorte d’essai pamphlétaire visant surtout à dénigrer les prises de position et l’action de l’association Ni Putes, Ni Soumises, qualifiée, tour à tour, d’« avant garde [composée de] femmes arabes […] incarn[ant] les supplétifs zélés de la modernité et de ses valeurs », puis de « mouvement réactionnaire » [Guénif-Souilamas, Macé, 2005, p.13, 81]. Ne faudrait-il pas plutôt prendre en considération les propos des féministes algériennes, y compris celles qui doivent vivre en France ? Ainsi, après avoir été très souvent confrontée aux représentations à la fois angéliques et stéréotypées de nombre d’intellectuel[le]s « antiracistes » en Europe, Wassyla Tamzali présente une analyse de l’insécurité faite aux femmes dans les « rues », pouvant s’appliquer, au moins en partie, à certains territoires « publics » en France : « Les rues arabes sont une épreuve pour les femmes de sept à quatre-vingts ans, voilées ou pas. Ni l’âge ni la tenue ne sont une barrière à l’expression sans limites du podestat masculin dans les espaces publics. […] Le voile qui a été pensé comme l’ultime recours pour protéger les femmes n’est pas une protection, il n’est pas une barrière des instincts sexuels. » [Tamzali, 2009, p. 106-108]. A partir de sa propre expérience du « terrain », la féministe algérienne met au jour un autre aspect du continuum de violence faite aux femmes et la responsabilité des islamistes :

« Le voile des unes dénude les autres. En arabe algérien pour dire qu’une femme ne porte pas le voile, on dit qu’elle est nue. Les islamistes, avec cynisme, reprennent cette expression et disent que le port du voile est un choix et qu’une femme est libre d’être nue ou pas. […] Il s’agit d’une mise au pas forcée par la violence de l’environnement social, dominé par une vision théologisée de la sexualité. C’est cette violence qui est reçue comme la marque de la diversité du monde dans les capitales européennes […]. » [Tamzali, 2009, p. 108-109]

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 Naït-Balk B. (2009), Un homo dans la cité. La descente aux enfers puis la libération d’un homosexuel de culture maghrébine, Calmann-Lévy, Paris.
 Roché Sébastian (1993), Le Sentiment d’insécurité, PUF, Paris, 311 p.
 – (1994), Insécurité et Liberté, Seuil, Paris, 196 p.
 – (1996), La Société incivile, Seuil, Paris, 245p.
 – (1998), « Expliquer le sentiment d’insécurité », RFSP, vol 48-2, p.274-305.
 Tamzali Wassyla (2009), Une Femme en colère. Lettre d’Alger aux Européens désabusés, Gallimard, 149p.
 Tournyol du Clos L. et Le Jeannic T. (2008), « Les violences faites aux femmes », INSEE-Première, n° 1180, février.

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[1S. Condon, C. Hamel, « Contrôle social et violences subies parmi les descendantes d’immigrés maghrébins » in Chetcuti et Jaspard, 2007, p.201.

[2« La collecte des données de l’enquête nationale a été menée du 3 mars au 17 juillet 2000, auprès d’un échantillon représentatif de 6970 femmes, âgées de 20 à 59 ans et résidant […] en métropole. Effectuée par téléphone […] par l’institut de sondage MV2/Maxiphone, en étroite collaboration avec l’équipe de recherche [s. d. M. Jaspard] qui a assuré le suivi complet du terrain pendant toute sa durée » [Jaspard et al., 2003, p.32)]

[3Pour une présentation détaillée du processus de vulgarisation voir F. Maillochon, « ‘Chiffres noirs’ contre ‘chiffres ronds’ : l’enquête Enveff dans la presse quotidienne (2000-2004), in Chetcuti et Jaspard, 2007, p.41-57.

[4« Les faits retenus se regroupent ainsi : violences physiques […] ; violences sexuelles […] ; actes malveillants par l’intermédiaire d’un objet […] ; appels téléphoniques malveillants […] ; violences verbales […] ; violences psychologiques […] ; violence économique […] » . [Jaspard et al., 2003, p.25-26].

[5C’est notamment le cas de Laurent Mucchielli [2005, p.58, 62].

[6cf. Mathieu, « De la mise en scène médiatique des viols collectifs », 15 février 2006, consultable sur le site http://chiennedegarde.com/imprimersans.php3?id_article=424

[7Pour une présentation multiscalaire de l’évolution des « crimes et délits » depuis les années 1970 voir B. Alidières, [2006, p.153-161, 182-186, 242-245 et 254-256] et « Insécurité » [in Giblin, 2009, p. 221-223].

[8Il est en outre précisé que « parmi les violences physiques […] il s’agit pour moitié de violences répétées qui se sont majoritairement produites avant 16 ans (pour les deux tiers). » cf. Enquête CSV93, 2007, sur le site http://www.seine-saint-denis.fr

[9cf. premiers résultats de l’ « Enquête sur les comportements sexistes et les violences envers les filles de Seine-Saint-Denis reproduits sur site http://www.cafepedagogique.net/Documents/070306enqueteCSCV93

[10cf. la version donnée dans le dossier de presse « Dire la violence pour l’interdire » (du 15 au 30 novembre 2007), consultée sur le site http://www.seine-saint-denis.fr/IMG/pdf/DP14.pdf

[11Version consultée sur le site http://www.seine-saint-denis.fr

[12Ces « marches exploratoires » consistent à parcourir avec un groupe de femmes des trajets habituels et de repérer des points névralgiques en matière d’insécurité.

[13On trouvait déjà la même assertion dans un article antérieur [Condon, Lieber, Maillochon, 2005, p. 266].

[14Pour une présentation plus complète de l’apport des travaux de S. Roché, voir B.Alidieres [2008].

[15Voir Libération du 5.3.2007 ; enquête CSVF 93, p.2 ; Jaspard et al., 2003, p.165.

[16« Cela ne représente que 0,3% (attouchements ou tentatives de rapports forcés) et 0,2% (rapports forcés) des personnes enquêtées. « par contre, les tentatives de viol par plusieurs personnes sont plus fréquentes (10%) chez les très jeunes filles (moins de 15 ans) et inexistantes après 25 ans. » [Jaspard et al., 2003, p. 220].

[17Ce silence était le fait à la fois de la plupart des médias, des partis politiques de Gauche mais aussi de nombreux ouvrages universitaires sur la délinquance, les banlieues ou l’immigration ; la crainte de contribuer à la « stigmatisation des immigrés », mais aussi le haut niveau du vote Front national jusqu’en 1999, ayant fortifié cette « omerta ». Pour une analyse plus approfondie voir B. Alidières, [2006, p.292-325].

[18Outre le livre témoignage de S. Bellil, voir S. Laacher, [2008].

[19L’article cité par le sociologue est celui du Nouvel Observateur du 28 février 2002 [Mucchielli, 2005, p.31].

[20Ni citation, ni référence en bibliographie dans les ouvrages de M. Jaspard [2005], M. Lieber [2008], I. Clair [2008], ou M-H. Bacqué [2009].

[21Compte tenu qu’il s’agit là de la principale source utilisée dans cette recherche, ne faudrait-il pas s’interroger plus largement sur la composition sociologique de cet échantillon où les personnes de sexe féminin et des « catégories défavorisées » ne sont que faiblement représentées (3 ou 4 sur les 26 personnes interviewées).

[22« Quant au stéréotype de l’homme dangereux en France, il correspond […] aux hommes des catégories sociales les moins favorisées, en particulier aux Arabes et aux Noirs » [Lieber, 2008, p.271].

[23Il s’agit là non de faits exceptionnels mais de tendances lourdes que l’on retrouve dans de nombreuses villes algériennes selon Farida Naceur [F. Naceur, in Denelle (dir.), 2004, p.244-246]

[24L’ouvrage de N. Guénif-Souilamas et E. Macé, est presque systématiquement cité : voir notamment Hamel [2005], Lieber [2008], Clair [2008], Bacqué [2009].


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