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L’Amérique d’Obama : ce titre montre combien nous attendons tous un profond changement de la politique américaine. En effet, quand ce numéro paraîtra il y aura deux mois que le 44eprésident des États-Unis aura pris ses fonctions. Il sera surtout confronté à l’héritage catastrophique de l’Amérique de Bush. Néanmoins, les décisions prises le premier jour de l’exercice de son pouvoir, telles que la fermeture de Guantanamo, l’appel - dans cet ordre - d’Abou Mazen puis d’Ehoud Olmert et enfin de Moubarak, sont de bon augure. Avec ces trois appels téléphoniques, portés à la connaissance de l’opinion publique internationale, Barack Obamaa su donner les signes d’un changement radical de politique et de comportement envers les musulmans. Comme chacun le sait, les actes symboliques jouent un rôle essentiel en politique.

Or Obama est à lui seul le symbole d’un changement radical. L’élection du premier président noir des États-Unis - qui plus est prénommé Hussein et de père musulman-montre le chemin parcouru par une nation dont l’histoire est traversée de divisions et de haine raciales. En portant au pouvoir Obama, les ressorts démocratiques de l’Amérique ont restauré la foi de son peuple en ses formidables ressources et suscité un espoir extraordinaire, dans le pays et à travers le monde.

Les esprits chagrins ne manquent jamais de dire que ce nouveau président décevra car il n’a guère de marge de manœuvre et il ne souhaite rompre ni avec le libéralisme économique ni avec la supériorité militaire, et il souhaite en revanche travailler à préserver la domination américaine. Comment s’en étonner ? Il est l’élu du peuple américain et doit donc logiquement servir ses intérêts. Quant à annoncer des déceptions à venir, l’exercice du pouvoir conduit inéluctablement à décevoir les uns ou les autres.

Quoi qu’il en soit, l’intérêt exceptionnel suscité par l’élection de Barack Obama montre que les États-Unis, en mauvaise posture nationale et internationale, inquiètent fortement même ceux et celles qui souhaitent leur déclin. Il y eut comme une sorte de soulagement une fois Obama élu : les Américains redevenaient sympathiques et fréquentables, l’amalgame se faisant classiquement entre un dirigeant et son peuple.

Hérodote, malgré le peu de temps écoulé depuis l’investiture, a choisi ce titre pour marquer à sa façon une forme de soutien au nouveau président. Dirigé par Frédérick Douzet, ce numéro traite de plusieurs thèmes : la politique étrangère, la crise économique et ses effets internes et externes, mais aussi les bouleversements électoraux qui ont permis cette élection, accrus sans doute par une campagne électorale efficace car très géographique, puisque centrée sur les territoires les plus rentables en termes de conquête de grands électeurs dans les États incertains (cf. l’articlede F. Douzet, B. Cain et H. Lefebvre).

Pierre Mélandri, dans un entretien avec Frédérick Douzet, trace un panorama des grandes questions auxquelles la nouvelle équipe est confrontée. Deux zooms sur les deux questions les plus préoccupantes. Si, jusqu’à un passé récent, la résolution du conflit israélo-palestinien fut perçue comme l’alpha et l’oméga de la paix entre mondes arabo-musulman et plus largement musulman, ce conflit apparaît désormais surtout comme un conflit régional, voire local, les États arabes voisins ne se mobilisant guère pour venir sérieusement à l’aide des Palestiniens. La division de ces derniers en deux camps de plus en plus hostiles et ce, malgré le conflit ouvert déclenché fin décembre par Israël, les fragilise encore plus face à une armée israélienne de plus en plus agressive, allant jusqu’à employer en milieu densément peuplé des gaz au phosphore qui, s’ils ne sont pas interdits, ne doivent pas être employés dans des zones où les civils sont nombreux. L’image de Tsahal et celle d’Israël se sont fortement dégradées à la suite de l’offensive sur Gaza. La défense du territoire d’Israël et la lutte contre le Hamas ne peuvent justifier l’isolement et la situation économiquement dramatique dans laquelle se trouvent 1,5million de Gazaoui. Si, assurément, les États-Unis continueront à soutenir Israël, il est probableque ce ne soit plus un soutien exclusif et sans partage. En appelant d’abord Abou Mazen, Barack Obama donne peut-être un signe clair aux dirigeants israéliens : il faudra tenir compte des revendications des Palestiniens. Néanmoins, le contrôle de la bande de Gaza par le Hamas et le soutien de celui-ci par l’Iran replacent le conflit israélo-palestinien dans une question géopolitique plus vaste, celle de la sécurité des États-Unis, qui dépend pour partie des résolutions des problèmes irakienet iranien (cf.l’article de J.-L. Samaan). La réussite ou non de la gestion de la transition en Irak pèsera sans nul doute sur la possibilité des États-Unis de résoudrelestensions dans la région. Mais elle n’y suffira pas sans une stratégie politique et militaire plus efficace en Afghanistan, en y intégrant aussi le Pakistan et l’Inde, comme le montre l’article de Jean-Luc Racine. Quelles sont les réelles marges de manœuvre du nouveau président, tant militaires que diplomatiques, sur cedossier ?

La gravité de la crise économique et financière et sa durée seront aussi des facteurs influents de la politique étrangère américaine car elle fait naître des enjeux géopolitiques susceptibles de fragiliser durablement l’hégémonie américaine. Eneffet, cette crise touche l’ensemble des pays du monde et surtout ceux dont l’économie s’est développée avec la mondialisation pensée et imposée par les multinationales et les banques américaines, prônant le marché et le moins d’État en tout. Les grandes et riches heures du libéralisme économique et financier sans frein paraissent terminées quand on voit les autorités politiques prendre des parts importantes dans le capital des banques pour éviter leur faillite et quand les politiques keynésiennes connaissent un étonnant retour en grâce, le rôle de l’État étant célébré et son interventionnisme réclamé. Dans ce contexte, il est plus que probable que le temps où les conseils impérieux des experts de la Banque mondiale étaient suivis, est désormais révolu. Le modèle a failli, au moins pour un temps.

De même, au niveau national, les effets sociaux de cette crise sans précédent - car ce ne sont ni les mêmes paramètres ni le même contexte que ceux de la crise de 1929 - risquent de fragiliser les fondements de l’unité nationale. Plusieurs articles analysent l’extrême gravité de la situation économique et sociale non seulement des plus pauvres mais aussi désormais des classes moyennes, confrontées à la montée brutale du chômage, à la dépréciation de leurs biens immobiliers, inquiets quant à l’avenir de leurs enfants, quant aux possibilités d’assurer le financement de leur assurance-maladie, de leurs retraites. Or la sécurité nationale ne se limite pas à l’amélioration indispensable des relations avec le monde musulman mais nécessite aussi une situation interne qui assure un partage plus équilibré des richesses. La gravité de la situation peut permettre à Barack Obama d’imposer desréformes auxquelles Bill Clinton en son temps avait dû renoncer, comme celle de l’assurance-maladie. Dans ce pays où s’installent chaque année des centaines de milliers de nouveaux immigrés, il est fort probable que la question de l’immigration recouvre une certaine vigueur. On sait que dans les années 1990 cette question, dans des États comme la Californie et le Nouveau-Mexique, avait été au centre des débats politiques (cf. l’article de François Vergniolle de Chantal) et que, à la suite des attentats du 11septembre 2001, le contrôle des frontières, et donc de l’immigration, avait été renforcé, créant une situation nouvelle pour un État voisin tel que le Mexique (cf. l’article de R. Nieto).

En ce printemps 2009, il est impossible de savoir si les injections massives de capitaux publics, qui accroissent considérablement des déficits publics déjà considérés comme abyssaux (1000milliards de dollars) avant même le plan de relance, vont permettre d’enrayer la crise économique aux États-Unis comme en Europe, les économistes eux-mêmes se perdant en conjectures.

Personne ne nie l’ampleur exceptionnelle de la tâche, mais l’Amérique d’Obama c’est aussi ce formidable espoir incarné par cet homme jeune remarquablement intelligent.


L’institut Français de Géopolitique offre des formations de master intenses, exigeantes et passionnantes !

Hérodote est historiquement liée à la formation en géopolitique (master et doctorat) de l’Université Paris 8 — Vincennes - Saint-Denis, l’Institut Français de Géopolitique (IFG) où ont enseigné son fondateur Yves Lacoste, sa directrice Béatrice Giblin (également fondatrice de l’IFG), et une partie importante de l’équipe de la revue.

La première année est consacrée à la formation à et par la recherche, qui est au cœur du projet intellectuel et citoyen de l’École France de Géopolitique. Les étudiants et les étudiantes doivent écrire un mémoire de recherche d’une centaine de page appuyé sur une enquête de terrain d’un mois en autonomie. Un accompagnement fort leur est proposé pour favoriser leur réussite durant cette année si différente de leurs expériences précédentes.

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