Kaliningrad : une « île » russe au sein de l’Union européenne élargie

par Frank Tétart

Le 1er mai 2004, l’Union européenne s’est élargie à dix nouveaux membres. Cet événement majeur pour l’histoire du continent européen a de fait enclavé en son sein la région russe de Kaliningrad, qui jusqu’en 1945 était la partie Nord de la Prusse orientale allemande. Mais Kaliningrad est-elle le trou noir de la nouvelle Europe, comme tendent à la présenter certains clichés, ou saura-t-elle profiter de cette nouvelle situation ? L’analyse des représentations géopolitiques des Russes et des Européens concernant Kaliningrad permet d’appréhender le rapport de ce territoire avec le reste du continent européen y compris de l’Union européenne, en faisant apparaître les enjeux géopolitiques internes et externes qui lui sont liés.

Abstract : Kaliningrad : a Russian island within the enlarged European Union

On May 1st 2004, the European Union (EU) has enlarged to ten new members. This major event in the history of the continent has in fact turned the Russian region of Kaliningrad into an enclave within the European territory. This region was until 1945 the Northern part of Germany’s Eastern Prussia. But will Kaliningrad constitute the black hole of the new Europe, so as a certain number of clichés tend to present it, or will it be able to take advantage of this new situation ? The analysis of the geopolitical representations of Kaliningrad from Russian and European points of view contributes to address the relationship of this territory to the rest of the European continent and the EU itself, conveying the intern and extern geopolitical situations at stake concerning Kaliningrad.

Article complet

Depuis l’élargissement de l’Union européenne (UE), le 1er mai 2004, à dix nouveaux membres, dont huit sont situés en Europe centrale et orientale, la nouvelle carte de l’Union révèle l’existence d’un petit territoire enclavé en son sein : l’oblast de Kaliningrad [1], l’une des 89 entités composant la Fédération de Russie. Cette situation inédite est perçue, côté russe, comme un nouveau facteur d’isolement pour un territoire séparé du reste de la Russie depuis la dissolution de l’Union soviétique en 1991, au risque d’y favoriser le séparatisme. Côté européen, elle suscite des craintes « sécuritaires », puisque les frontières de Kaliningrad deviennent les nouvelles limites extérieures de cette Union élargie. D’ailleurs, dès l’année 2002, la perspective de cette nouvelle configuration géopolitique a été à l’origine de tensions entre Bruxelles et Moscou, liées au problème de la libre circulation - des Russes à l’intérieur de leur territoire, et des citoyens européens dans l’espace Schengen. L’analyse des représentations géopolitiques que se font Russes et Européens de Kaliningrad permet d’appréhender le rapport de ce territoire avec le reste du continent européen y compris de l’UE, en faisant apparaître les enjeux géopolitiques internes et externes liés à Kaliningrad, qui n’est - rappelons le - sous souveraineté russe que depuis tout juste soixante ans.

Kaliningrad, une « exclave » russe

En devenant indépendants en 1991, les Pays baltes ont coupé la région de Kaliningrad du reste du territoire russe. Kaliningrad se retrouve dès lors enclavée entre la Pologne au sud et la Lituanie au Nord et à l’Est. La frontière entre la région de Kaliningrad et la Lituanie, qui n’était à l’époque soviétique qu’une limite administrative interne, change alors de statut et devient une frontière internationale. Kaliningrad n’a plus aucun lien direct avec le reste de la Fédération de Russie, et il faut désormais passer trois frontières pour rejoindre depuis la région de Kaliningrad, Pskov, la ville russe la plus proche, située à 600 km de là.

Cette discontinuité territoriale de la région par rapport au centre est considérée par Moscou comme une contrainte, autant pour la séparation que pour l’isolement qu’elle est implique pour Kaliningrad vis-à-vis du reste de la Russie. En dépit de sa façade maritime sur la Baltique, la région est dès lors représentée comme une enclave ou plutôt comme une exclave. Ce néologisme, largement utilisé en Russie par la presse et parmi les spécialistes, permet de qualifier à la fois l’enclavement de la région russe dans l’espace Baltique et sa situation « insulaire » par rapport au reste du territoire russe. D’emblée, l’enclavement prend une valeur négative, car il soulève la question de la circulation des personnes, des échanges, du commerce et par conséquent de la viabilité du territoire lui-même. Or, ces problèmes se trouvent accentués dès la fin des années 1990 par les perspectives de l’élargissement de l’Union européenne et de l’OTAN aux voisins de Kaliningrad, que Moscou regarde avec hostilité.

En revanche, dans l’enclave, cette nouvelle configuration géopolitique est appréhendée de façon plus nuancée par les habitants de Kaliningrad, puisqu’ils ont plutôt tendance à considérer l’enclavement comme un atout susceptible de favoriser le développement économique. Dès le début des années 1990, les autorités locales font en effet le pari de l’ouverture espérant tirer partie de la situation particulière et de la position géographique de la région. Une zone économique spéciale est ainsi lancée en 1993, dont l’objectif est de faire de la région une porte d’entrée pour les échanges avec la Russie, un pont entre l’Union européenne et la Russie. Certains rêvent alors de Kaliningrad comme d’« un nouvel Hong Kong sur la Baltique », c’est-à-dire suffisamment autonome de Moscou pour pouvoir se développer économiquement. Mais ces projets de développement, jugés sans doute trop émancipateurs par Moscou, ne sont pas suffisamment soutenus par la Russie, pour conduire aux résultats escomptés.

Il n’en reste pas moins que l’enclavement souligne l’appartenance européenne de Kaliningrad, puisqu’en l’encerclant, l’UE l’inclut de facto dans l’espace géographique européen. Ce qui semble d’ailleurs parfaitement percevoir la population [2] et les autorités locales, puisque comme le rappelle le maire de la municipalité de Kaliningrad, Youri Salenko, l’ambition de Kaliningrad n’est-il pas de devenir « une ville russe au visage européen » [Timmermann, 2002]. D’un autre côté, l’enclavement peut également être analysé comme la marque résiduelle de ce qui n’est pas intégré à l’UE. En effet, après l’incorporation forcée à l’Union soviétique dans les cas des États baltes [3] ou à l’espace satellitaire soviétique, pour les pays d’Europe centrale et orientale, l’intégration à l’UE est vécue par ces États comme « un retour en Europe ». Pour ces peuples comme le rappelle Bronislaw Geremek, « l’entrée dans l’Union signifie la vraie fin de la Seconde Guerre mondiale puisque l’ordre établi à Yalta disparaissait ainsi de façon définitive [4] ». Cette représentation d’un « retour dans une Europe » qu’ils n’auraient jamais dû quitter met de ce fait en relief la place de Kaliningrad dans cette nouvelle Europe, et pose la question de son existence même, en tant que territoire russe. Avant 1945, la ville de Kaliningrad s’appelait Königsberg et était la partie Nord de la Prusse orientale allemande. Par conséquent, Kaliningrad a été une terre d’histoire, de culture et de civilisation allemande pendant 700 ans avant de devenir soviétique, puis de passer, par la force des choses, sous souveraineté russe.

Kaliningrad, une histoire allemande

Le rattachement de Kaliningrad à la Russie est le résultat de deux bouleversements majeurs des rapports de force en Europe au xxe siècle : d’abord, la fin de la Seconde Guerre mondiale, marquée par la victoire des puissances alliées, dont l’Union soviétique, sur l’Allemagne nazie en 1945 ; et ensuite, la fin de la guerre froide, symbolisée à la fois par la chute du mur de Berlin en 1989 et la dislocation de l’Union soviétique fin 1991. Conformément aux accords de Yalta et Potsdam, la partie Nord de la Prusse orientale allemande, fut placée en 1945 sous domination soviétique ; la partie Sud revenant à la Pologne, comme l’ensemble des territoires allemands situés à l’Est de la ligne Oder-Neisse. Annexé de facto à l’Union soviétique, il représentait pour Staline un « tribut de guerre », contrepartie des sacrifices humains consentis par les Soviétiques pendant la guerre. En obtenant « un petit bout de territoire allemand » (15 000 km²), l’URSS accédait également aux ports de Pillau et Königsberg, libres de glaces toute l’année, à la différence de Leningrad et de Kronstadt dans le golfe de Finlande.

En devenant en 1946 une entité territoriale de l’Union soviétique, directement rattaché à la République socialiste soviétique fédérative de Russie (RSSFR), le sort de l’ancienne Prusse orientale fut dès lors irrémédiablement lié à celui de la Russie. En juillet de la même année, la région fut rebaptisée Kaliningrad, tout comme sa capitale administrative Königsberg, en l’honneur de Michaël Kalinine, président du Soviet suprême décédé un mois plus tôt. Les populations allemandes, qui n’avaient pas fui en 1945 devant l’avancée de l’armée rouge, furent expulsées en totalité vers l’Allemagne à l’automne 1948, après avoir servi de main-d’œuvre au démarrage de l’économie locale et surtout à l’approvisionnement en produits agricoles de l’Armée rouge et des experts soviétiques, dans l’attente de l’installation de populations soviétiques. Ces nouvelles populations arrivèrent effectivement à partir de 1946 [5] en provenance des quatre coins de l’Union soviétique, et en particulier de sa partie occidentale qui avait été très touchée par la guerre et l’occupation allemande. Beaucoup espéraient ainsi échapper à la misère de l’après-guerre, attirés par les avantages vantés par les rabatteurs d’État qui parcouraient la Russie centrale, l’Ukraine, la Biélorussie et la Lituanie [6].

Le pouvoir soviétique s’efforça alors d’effacer une histoire commencée sept siècles plus tôt par l’arrivée dans la région des Chevaliers teutoniques, en éliminant toute trace de culture ou de références allemandes. Les villes, villages, rues furent ainsi rebaptisés [7]. Dans la ville de Kaliningrad, capitale administrative régionale, le mot d’ordre était de transformer l’ancienne Königsberg, détruite à presque 90 %, en une « ville-modèle soviétique » et de lui donner une nouvelle identité, pour en faire l’avant-poste des constructeurs du communisme dans la partie la plus occidentale de l’URSS. Aussi, le centre de l’ancienne ville allemande, l’île de Kneiphof sur le fleuve Prégel, qui était depuis l’époque de la Ligue des marchands de la Hanse un important et dynamique carrefour commercial, fut délibérément marginalisé par les autorités soviétiques, comme mis hors du temps et de l’espace utile de Kaliningrad. Finalement, le seul lien, la seule passerelle avec l’histoire allemande, ce fut Kant, le philosophe natif de Königsberg. Considéré par les Soviétiques, comme l’un des fondateurs de la pensée marxiste, son tombeau, le long de la cathédrale fut conservé. Depuis 1992, une statue du philosophe trône de nouveau devant l’Université de Kaliningrad, qui devrait d’ailleurs être renommée en son honneur avant la fin d’année 2005

Kaliningrad face à l’Europe forteresse

Dès la perspective de l’élargissement de l’UE à l’Est du continent, l’inclusion « forcée » - puisque seulement géographique et non intégrative - de Kaliningrad au sein d’un ensemble de coopération politico-économique, défendeur de valeurs démocratiques et au niveau de vie plus élevé, tout en restant partie intégrante de la Fédération de Russie, suscite craintes et tensions entre Bruxelles et Moscou. Pour Bruxelles, comme la frontière de Kaliningrad devient une des frontières extérieures de l’Union européenne, l’élargissement implique la redéfinition des relations avec Kaliningrad, notamment en ce qui concerne le contrôle des frontières, la politique des visas et de l’immigration, la circulation du commerce et le transit de Kaliningrad vers le reste de la Russie via la Lituanie [8]. L’Union européenne s’efforce donc de protéger son propre territoire contre les influences « négatives » de cette région.

Face à l’Union, Moscou cherche à s’assurer de son intégrité territoriale et du maintien de l’existence de Kaliningrad comme territoire russe. Il s’agit d’éviter la remise en cause autant de la souveraineté et de l’unité de la Russie, que celle de la validité des droits constitutionnels qui garantissent la libre circulation de ses citoyens sur son propre territoire, afin de limiter l’isolement et la séparation dus à l’enclavement. De leur côté, les habitants de Kaliningrad souhaitent préserver des frontières « ouvertes » avec leurs voisins nouveaux membres de l’Union (Pologne et Lituanie) [Timmermann, 2002]. Car plus que les autres russes, ils y ont des intérêts spécifiques, avant tout économiques. Ils visent ainsi à empêcher, selon les termes de Vladimir Egorov, le gouverneur de Kaliningrad au sommet européen de Luxembourg d’avril 2001, de « transformer Kaliningrad en une réserve à l’intérieur de l’UE », qui contribuerait à la méfiance et l’éloignement à l’égard de ses voisins polonais et lituaniens.

Au fond, ce que révèlent ces trois perceptions de la nouvelle configuration de Kaliningrad consécutive au processus d’élargissement européen, c’est une représentation divergente de la frontière : d’un côté, celle d’une Europe protectrice d’acquis et de l’autre, d’une forteresse « excluante », « marginalisante ». Cette frontière est en effet l’une des limites extérieures du marché unique européen, où à l’intérieur les frontières techniques, physiques, fiscales n’existent plus depuis le 1er janvier 1993, mais également d’une zone de libre circulation, aujourd’hui des biens, services et capitaux et demain des personnes, dès que les nouveaux membres auront repris l’acquis des accords de Schengen [9]. Aussi, à partir de 2001, au cours du processus d’élargissement, le dossier de la libre circulation des personnes qui implique « le droit de vivre et travailler dans n’importe quel État membre de l’Union » posait problème à deux pays membres en particulier : l’Allemagne et l’Autriche. Ces deux États concentrent à eux seuls presque 90 % des 850 000 personnes originaires des PECO [10] vivant dans l’Europe des Quinze [11]. Ces deux États ont donc exigé que des dérogations soient mises en place pour limiter l’accès du marché du travail aux citoyens des nouveaux États membres de l’Union. Dès l’adhésion, le droit de voyager et de résider leur a été reconnu, en revanche l’accès à l’emploi est limité pendant une période dite de « transition » de sept ans (voire jusqu’à neuf ans) [12].

Il est vrai que le problème des migrations est devenu un thème majeur chez plusieurs États membres de l’Union qui se répercute bien évidemment sur les négociations menées avec les futurs membres. Cette tendance s’est trouvée renforcée à la suite de la dégradation économique mondiale durant l’été 2000, mais surtout après les attentats terroristes du 11 septembre 2001 contre les États-Unis, qui ont rendu les opinions publiques très sensibles aux problèmes de sécurité et donc aux contrôles des frontières. L’immigration est alors de plus en plus diabolisée et représentée comme un risque fondamental de déchirement voire de guerre civile, et ce d’autant que les idées d’un Choc des civilisations [13] tendent à devenir la grille de lecture dominante des relations internationales post 11 septembre, avant tout aux États-Unis. Le contexte socio-économique européen marqué par un important taux de chômage dans la plupart des Quinze a en outre contribué à placer l’immigration au cœur du débat politique en Europe, depuis une quinzaine d’années. Or ce débat avant tout repris par des partis populistes et d’extrême droite [14] instrumentalise l’immigration dans ses peurs et fantasmes. Elle est dès lors représentée comme une menace pour la nation, l’Europe, voire même la civilisation occidentale, et comme un « péril », source d’insécurité sous toutes ses formes.

L’élargissement devient dès lors très souvent synonyme « de flux migratoires incontrôlés, vecteurs possibles de terrorisme » [Ramsès 2003, p. 263] dans cet « espace de liberté, de sécurité et de justice » défini par les accords de Schengen. Cette crainte s’ajoute à celle plus ancienne, d’une concurrence des travailleurs des nouveaux pays membres, où les salaires sont plus bas, qui conduirait à terme, à une convergence « par le bas » des revenus entre anciens et nouveaux membres de l’Union, voire à des délocalisations d’entreprises vers les nouveaux entrants où la main-d’œuvre est moins chère - des préoccupations d’ailleurs, que le non français au référendum sur le traité constitutionnel en mai 2005 semble avoir largement exprimé, notamment avec la rhétorique du « plombier polonais » !

Vu de l’extérieur, la nouvelle frontière orientale de l’UE est perçue comme un nouveau « rideau », à l’instar du rideau de fer qui a séparé l’Europe pendant plus de quarante ans. Rideau d’or ou de cristal, « rideau de Schengen », qui coupe cette fois-ci l’Europe non plus par l’idéologie, ni tout à fait par l’argent, mais dans une perspective sécuritaire, pour élever une « barrière migratoire efficace » entre eux et l’UE (nous) ! Entre une « Europe forteresse » impénétrable et le reste situé en marge, comme un « confins d’Empire » face à l’autre puissance européenne, la Russie [Romer, 2004].

Kaliningrad se situe justement dans cette marge, car la région se trouve géographiquement en périphérie de la Russie du fait de son enclavement au sein de l’UE. L’Europe qui rêve d’unité depuis la chute du Mur de Berlin se voit donc de nouveau séparée physiquement, et les États voisins des nouveaux entrants (Ukraine, Biélorussie, Russie) voient se construire l’Europe, à laquelle ils se sentent également appartenir, comme une forteresse inaccessible [Morokvasic, 2002]. Et ce d’autant plus que dans les esprits, UE et Europe sont très souvent synonymes et se confondent. Cela accentue encore la perception qu’ont ces voisins orientaux de l’Union vis-à-vis de l’élargissement, à savoir que « si un État n’est pas inclus ou sur le point de le devenir, c’est qu’il est exclu de manière irrévocable et totale » [Lynch, 2003]. Dans cette représentation de l’« Europe forteresse », beaucoup ont vu « une manifestation d’une volonté de mettre en place un cordon sanitaire entre l’Europe occidentale et le reste du monde ». Schengen apparaît dès lors comme « l’outil d’une Europe raciste et fermée, désireuse de se protéger de l’immigration par une sorte de limes des temps modernes. » [Tandonnet, 2004, p. 166]. Or ne s’agit-il pas plutôt d’une représentation basée sur une logique sécuritaire inspirée par des peurs, qui construit de fait une politique d’exclusion ?

C’est en tout cas ce que tend à montrer le cas de Kaliningrad, qui bien qu’enclavé à l’intérieur de l’Union élargie n’en reste pas moins parfaitement extérieur [Lamande, 2002], en périphérie de l’Union, au-delà de la limite extrême de Schengen, laissant ainsi supposer que Kaliningrad est situé dans une aire d’insécurité et d’injustice. Et de fait, on entend parler de Kaliningrad dans les médias européens, comme d’un « trou noir », d’une zone de trafics en tous genres (drogues, prostitution, vols), très appauvrie et au plus haut taux de SIDA de toute la Fédération de Russie. C’est d’ailleurs ce qui ressort de la lecture de la communication de la commission au conseil l’« Union européenne et Kaliningrad » du 17 janvier 2001.

Établi pour présenter les idées et options en vue d’un débat entre l’Union européenne, la Russie, et les deux futurs États membres voisins (la Lituanie et la Pologne) au sujet de Kaliningrad, ce document met en avant les modifications auxquelles la région russe devra faire face, suite à l’adoption de l’acquis communautaire par ses deux voisins [15]. Cependant, le détail de la communication laisse assez nettement apparaître des préoccupations sécuritaires, ce que les Anglo-Saxons appellent la soft security (sécurité douce), c’est-à-dire « des menaces de type non-militaire, d’ordre économique, politique au sens large, écologique et technologique ou des risques aussi divers que les flux migratoires, le traitement des minorités ou les trafics mafieux » [Nies, 2004 (1)].

Effectivement, si l’on analyse de plus près la situation de la région russe, elle apparaît moins développée que ses voisins : à la veille de l’élargissement, son PNB [16] ne représente qu’un quart de celui des Lituaniens, un huitième de celui des Polonais, et un quarantième de la moyenne en UE ; elle connaît un important taux de chômage et un faible taux d’investissements comparée à ses voisins baltes et polonais. D’où la crainte de Bruxelles que l’asymétrie économique entre l’enclave russe et ses voisins ne devienne une cause chronique d’instabilité et contribue à la hausse de la criminalité. D’autant que la relative pauvreté des habitants favorise l’économie informelle, estimée entre 50 % et 60 % du PIB régional, y compris le trafic transfrontalier ou le commerce illégal de l’ambre, dont Kaliningrad détient 90 % des ressources mondiales. Elle renforce également les trafics (dont les armes facilement disponibles du fait de la présence militaire) et aggrave les problèmes de santé publique, en particulier la recrudescence du sida liée à la prise de drogues, et de la tuberculose. D’autre part, les problèmes d’environnement et de pollution sont nombreux à Kaliningrad. Ils tiennent en partie à la forte présence militaire à Kaliningrad à l’époque de la guerre froide, et concernent l’élimination de déchets nucléaires, biologiques, sans compter les stocks d’armes chimiques laissées sur place depuis la Seconde Guerre mondiale, véritable « bombe à retardement » écologique. Les pollutions sont également très présentes, qu’il s’agisse de l’air à cause des activités industrielles, et de l’eau. L’assainissement est ancien (et date en certains points d’avant 1945) et les rejets domestiques et industriels, notamment des usines à pulpe et papier dans les fleuves et dans la mer Baltique, sont une importante source de pollution. Mais il faut y ajouter l’exploitation de pétrole, dont le développement important ces dernières années en offshore fait peser, selon Alexandra Korolovna [17] de l’organisation écologiste Ecozachita, un nouveau grand risque sur la dégradation des eaux de la Baltique, qui concentre sur le littoral de la région de Kaliningrad un tiers de la pollution marine totale. L’amélioration de la propreté de la mer Baltique préoccupe d’ailleurs particulièrement l’UE, puisque cette mer est devenue en 2004, une mer quasi intérieure à l’Union.

Dans cette optique sécuritaire, ce sont les risques d’instabilité qui focalisent les inquiétudes de Bruxelles, si rien n’est entrepris pour aider Kaliningrad. Le schéma sans doute le plus catastrophique pour l’UE est que Kaliningrad devienne une « double périphérie », en étant à la fois une région isolée et délaissée hors de la Fédération de Russie et une région fermée sur elle-même, en marge de l’UE [Timmermann, 2001]. Pour éviter la réalisation d’un tel scénario, l’UE a engagé des négociations avec la Russie sur le sort de Kaliningrad. Mais elles furent difficiles et tendues, car aux représentations sécuritaires européennes répondaient des représentations russes, concernant autant de Kaliningrad que de l’UE elle-même.

Avant-poste militaire ou fenêtre sur l’Occident ?

À l’échelle de la Russie, la région de Kaliningrad ne représente que 0,1 % du plus vaste pays du monde, mais elle conserve une valeur stratégique et une valeur symbolique vis-à-vis du reste du territoire et de l’espace baltique, mais également de l’UE. Grâce à ces ports libres de glaces toute l’année, Kaliningrad est depuis l’époque soviétique le siège de la flotte de la Baltique. Pendant la « guerre froide » entre les anciens alliés de la Seconde Guerre mondiale, alors que la mer Baltique était le lieu de rivalité Est/Ouest, Kaliningrad était « l’avant-poste soviétique de la Baltique », comme le désignaient eux-mêmes les politiques soviétiques et russes [Frobarth, 2001]. Il jouait alors le rôle de plate-forme des opérations militaires dans la zone de la mer Baltique, et constituait le poste d’alerte avancée pour prévenir toute attaque occidentale [Chillaud, 2003].

Avec la fin de l’URSS, les effectifs ont été drastiquement réduits depuis 1991, passant de quelque 100 000 hommes à moins de 9 000 en 2005. La flotte de la Baltique conserve certes une fonction défensive, mais elle a désormais aussi à défendre des objectifs économiques, comme l’énonce la doctrine de la Fédération de Russie pour la Marine jusqu’à 2010, approuvée par le président Poutine en juillet 2001 [18]. Néanmoins, si cette représentation d’avant-poste militaire perdure quasiment jusqu’à 2004, c’est parce qu’elle sert aux autorités, politiques et militaires russes, de la même façon que le sont les minorités russophones vivant dans les États baltes, d’instrument pour s’opposer à l’élargissement de l’OTAN aux Pays baltes. Voir ces petites républiques encore il y a peu parties de l’Union soviétique, rejoindre l’ancien bloc ennemi, blesse en effet la fierté et le prestige de la Russie en tant que grande puissance. Mais plus encore, cette intégration des États baltes fait craindre à l’armée russe, de part la proximité des États baltes de territoires considérés par la Russie comme stratégique, que l’OTAN n’y installe des points d’appui militaires, voire n’y stationne des armes nucléaires [Oldberg, 2003]. L’armée russe craint avant tout l’encerclement de Kaliningrad par des pays membres de l’OTAN.

L’opposition de la Russie à cet élargissement se manifeste par des avertissements proférés par des représentants russes, qui remettent en cause la poursuite de la réduction des forces armées à Kaliningrad par une politique contraire, ou qui considèrent toute demande de démilitarisation de Kaliningrad par les États voisins, comme une atteinte à l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie. Elle prend également la forme de manœuvres militaires organisées à Kaliningrad, sans que les États riverains en soient informés, ou qui visent à souligner l’importance stratégique de Kaliningrad [Oldberg, 2003]. Ce fut le cas à l’été 1999 de la plus importante manœuvre militaire russe organisée depuis plusieurs années et appelée, de manière très explicite, « Zapad 99 », c’est-à-dire « Ouest 99 » ! Le scénario reposait d’ailleurs sur l’attaque militaire de Kaliningrad par l’OTAN. Tout en contrant l’« otanisation de la Baltique », l’instrumentalisation par la Russie de Kaliningrad comme avant-poste militaire vise également à affirmer la souveraineté russe sur le territoire tant au niveau politique que militaire [Chillaud, 2003]. Ce que traduit d’ailleurs, l’élection au poste de gouverneur régional de l’ancien commandant en chef de la flotte de la Baltique, l’amiral Vladimir Egorov, en novembre 2000, car en plaçant aux affaires « civiles » un militaire, elle permet de garantir le maintien des intérêts de sécurité de la Russie, tout en soulignant le haut prestige des officiers dans la région et par conséquent l’importance du caractère militaire de Kaliningrad [Oldberg, 2003].

À côté de cette valeur militaro-stratégique, Kaliningrad possède pour les Russes une valeur symbolique. En tant que point le plus occidental de la Russie (situé à 1 200 km de Moscou, mais seulement à 600 km de Copenhague ou de Berlin), la région de Kaliningrad permet également à la Russie d’être véritablement européenne et pas seulement asiatique. Kaliningrad est en quelque sorte la deuxième « fenêtre » russe sur l’Europe, après la « première », Saint-Pétersbourg, pour reprendre la célèbre formule de Pouchkine utilisée dans son poème Le Cavalier de bronze (1836) [Granoff, 1987], qui décrit la fondation de Saint-Pétersbourg par Pierre le Grand en 1703, afin d’ouvrir le pays sur l’Occident. Une fenêtre hautement symbolique, car elle s’ouvre non seulement sur l’Europe et l’Occident, mais également sur la Baltique, où le recul de la Russie, depuis la fin de l’Union soviétique et les indépendances baltes, a largement réduit l’accès russe à la mer. La Russie a donc perdu une zone essentielle, voire stratégique au niveau économique et militaire, du fait de la présence des ports de Tallinn, Riga, Ventspils, Liepaja et Klaïpeda, transit de 20 % du commerce maritime russe et débouchés, pour certains, des oléoducs qui servent aux exportations d’hydrocarbures vers l’Europe.

Ainsi, le maintien de la souveraineté russe sur ce territoire devient en quelque sorte le « cheval de Troie » de Moscou face à l’UE. Pour Moscou, cette région comme d’ailleurs tout territoire russe, est inaliénable. Cette caractéristique est d’ailleurs induite dans les dénominations de « petite Terre » ou « petite Russie », utilisées très fréquemment dans les médias pour désigner Kaliningrad. Ces deux appellations « familières » soulignent le caractère indéniablement russe de l’enclave, puisque d’une part, « petite » et « grande » Russie (ou terres) font partie d’un même ensemble et forment un tout, et que d’autre part, à l’instar de la « grande Russie », la « petite Russie » est peuplée à 78 % de Russes, et lui est donc indissociable. Comme le rappelle Youri Afanassiev [Afanassiev, 2002] dans l’inconscient collectif russe, « la terre est notre mère à tous et on ne peut la diviser en morceaux, car cela reviendrait à démembrer sa propre mère ». Et cela est d’autant plus perçu de la sorte que Kaliningrad n’est russe que depuis soixante ans, et obtenu comme compensation des 20 millions de Soviétiques [19] qui ont péri au cours de la « grande guerre patriotique [20] », si bien qu’elle est presque considérée comme un « dû », qui ne peut être cédé ou devenir indépendant. De plus, en tant que « l’un des derniers symboles concrets de la Seconde Guerre mondiale », sa perte serait alors perçue par la Russie comme une « nouvelle » défaite, d’autant plus humiliante qu’à Moscou domine « le sentiment d’avoir perdu la guerre froide » [Chillaud, 2003] et qu’elle aurait lieu dans un espace où justement la présence russe a nettement reculé depuis 1991 avec la perte des Pays baltes.

Dans ce contexte, l’élargissement de l’Union européenne, mais aussi de l’OTAN, qui avalise par l’intégration des trois États baltes ce recul dû à une faiblesse de la Russie dans l’espace baltique est mal accepté par l’État russe [Nies, 2004 (1)]. Dans le cas de Kaliningrad, il fait craindre à Moscou, qu’il ne contribue au séparatisme dans la région. Or le séparatisme est pour la Russie une notion inconcevable, alors qu’elle se bat déjà en Tchétchénie à la défense de l’intégrité du territoire de la Fédération. La Russie est d’ailleurs peu disposée à encourager toute forme de décentralisation et reste très circonspecte à l’égard des velléités exprimées par les régions russes de s’ouvrir vers l’extérieur. Ainsi, le Parti républicain balte de Sergueï Pasko qui réclame pour Kaliningrad, en accord avec la constitution fédérale, un « statut souverain » d’association avec la Russie qui laisserait à Moscou ses pouvoirs régaliens et à Kaliningrad plus de moyens pour se développer, bien que très minoritaire puisqu’il est soutenu par moins de 5 % de la population, a été interdit à l’été 2003. Pour régler le problème du transit, Sergeï Pasko allait jusqu’à proposer une association de facto avec l’UE, garante de l’indépendance de la nouvelle République balte (Königsberger Express, n° 3, 2005). Une idée reprise aujourd’hui par Vitautas Lopota, député de l’opposition à la Douma régionale qui, dans son mouvement Respublika lancé en février 2005, propose que la région de Kaliningrad devienne la XXIIe République de la Fédération de Russie et puisse adhérer à l’Union européenne en tant que membre associé, tout en restant partie intégrante de la Fédération de Russie.

Aussi, après avoir redouté au début des années 1990 une re-germanisation de Kaliningrad liée au passé allemand du territoire, les autorités russes sont préoccupées par l’élargissement, qui pourrait signifier une « absorption voilée de l’enclave par Union européenne » qui [Timmermann, 2002]. Selon Moscou, l’enclavement et l’isolement de la région place la population de Kaliningrad comme dans un « cul-de-sac », ce qui pourrait la pousser à se tourner vers l’UE, plutôt que la Russie, si le manque de perspective matériel et le blocage d’un accord avec l’UE perduraient. Or la mise en place d’un visa pourrait encore accélérer ce processus par le détachement de facto du territoire de la Russie, provoqué par la fin de la libre circulation entre Kaliningrad et le reste de la Fédération. Et ce d’autant, que le gouvernement russe est conscient du pouvoir d’attraction de l’UE sur la population de Kaliningrad, qui se rend plus fréquemment à Vilnius, Varsovie ou Berlin qu’en Russie (9 millions de passages par an vers la Pologne et la Lituanie), et des jeunes générations qui se « sentent autant russes qu’européennes » [Timmermann, 2001].

Cette peur que l’Union ne contribue à des tensions séparatismes a d’ailleurs poussé Moscou, à se méfier des initiatives européennes dans la région. L’UE est ainsi parfois montrée, dans les médias et dans certains milieux politiques russes, comme la cause de tous les maux et problèmes dont souffrirait Kaliningrad : « L’isolement de Kaliningrad est principalement le résultat des décisions prises par l’Union européenne », et dont la responsabilité financière doit être engagée pour payer les dommages qui découlent de l’élargissement pour la région [Timmermann, 2001].

Ces représentations se traduisent par l’ambivalence de la Russie vis-à-vis de l’UE, dont elle veut à la fois faire une priorité de sa politique étrangère, mais dont elle se méfie, et à laquelle elle n’hésite pas à s’opposer, à s’affronter diplomatiquement, en ce qui concerne Kaliningrad et la question du transit, et plus récemment au cours de la révolution « orange » en Ukraine. Le discours de président russe Vladimir Poutine [21] au cours d’une conférence de presse en juin 2002 au sujet de Kaliningrad en est la parfaite illustration : « Nous sommes favorables au développement de relations avec l’UE. Nous sommes une partie de l’Europe et nous attendons à ce que l’expansion de l’UE conduise à un approfondissement de notre coopération avec nos partenaires en Europe [...]. Nous n’accepterons jamais que des décisions, par leur nature, détruisent le territoire souverain russe. Et l’introduction de conditions spéciales d’un certain ordre pour Kaliningrad aurait sans aucun doute cet effet. »

Le face à face sécurité/souveraineté

Avec ces représentations pour toile de fond - sécuritaire d’un côté, souverainiste de l’autre - on comprend pourquoi, le problème des visas et du transit de et vers Kaliningrad a cristallisé durant l’année 2002 les points de frictions entre Européens et Russes. Durant les négociations, le ton devient même très véhément entre la Russie et l’UE (de nouveaux « murs » s’érigeaient en Europe) voire menaçant (« si Bruxelles faisait la sourde oreille, Moscou en tirerait les conclusions ») [Lynch, 2003 (2)].

Jusqu’à l’été 2003, les habitants de Kaliningrad bénéficiaient d’un régime de faveur, leur permettant de franchir les frontières des deux États voisins sans visa, sur simple présentation de leur passeport intérieur comme à l’époque soviétique, et d’y séjourner pendant 30 jours. Aussi, la liberté de circulation est perçue par les habitants de Kaliningrad, mais aussi par la Russie, autant comme une nécessité qu’un droit. Une nécessité pour l’économie de la région qui dépend des exportations, mais aussi à un niveau psychologique, pour relativiser le sentiment de « vivre dans une souricière » ou « comme des Indiens parqués dans une réserve [22] » et pouvoir ainsi se rendre facilement dans le reste du pays pour visiter parents et amis, où tout simplement fleurir une tombe. Il s’agit également d’éviter que la Pologne et la Lituanie ne soient plus familières aux écoliers et étudiants de Kaliningrad, qui selon le ministère des Affaires étrangères de Russie, ne visiteront plus la Russie, s’il leur faut un visa [Ratiani, 2001]. La nécessité du libre mouvement des personnes apparaît telle, que les députés de la Douma locale appelèrent, dans la perspective de la mise en place du régime de visa de Schengen aux frontières de Kaliningrad, leurs homologues des États de la région baltique à la mise en place d’un « Schengen balte » [Timmermann, 2001]. Considérées par les Russes comme un droit humain fondamental, les dispositions favorables de libre passage vers la Lituanie sont assimilées à un « acquis », que les exigences communautaires imposées aux nouveaux États membres tendent à remettre en cause, au nom de la libre circulation intérieure à l’espace Schengen. Or pour Bruxelles, il était inconcevable de troquer les accords de Schengen, en accordant une dérogation pour l’enclave, et pour Moscou, la fin de la libre circulation était perçue comme un risque d’isolement susceptible de favoriser à ses yeux l’autonomisation, voire la sécession de la région.

Si la position de la Russie se fige alors sur le maintien de la liberté de circulation des Russes de Kaliningrad via la Lituanie, c’est parce que les Russes ne saisissent pas, avant tout par méconnaissance, l’importance de l’acquis communautaire pour l’Union, et donc son intangibilité [Dolan, 2000]. Et ce d’autant, qu’au niveau de l’Union, des dérogations éventuelles aux dispositions de Schengen pour les habitants de Kaliningrad font craindre des mouvements migratoires internes à la Russie vers l’enclave, qui contribuerait à une pression migratoire sur l’Union, dans la mesure où il n’existe aucune restriction pour les Russes à l’installation à Kaliningrad.

Ainsi, le représentant du Ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie à Kaliningrad, Arthur Kuznetsov n’hésite à comparer les pratiques communautaires à celles de « régimes comme ceux de Staline ou Pinochet ! » ; et de rappeler que seule une décision de justice peut enlever ou restreindre la liberté d’un individu [Kuznetsov, 2000]. Pour sa part, Dimitri Rogozine, le président du Comité des relations internationales de la Douma fédérale et représentant spécial du président Poutine pour Kaliningrad, réclame « pas de visa pour voyager à l’intérieur de la Russie » (« La Douma protège Kaliningrad », Izvestia, 20 juin 2002, p. 2). Quatre cent un députés de la Douma fédérale de Russie allèrent même jusqu’à signer une résolution critiquant de front une « Union européenne qui préparait les conditions d’une aliénation artificielle de Kaliningrad » (« Pas un centimètre de la terre russe », Rusika Izvestia, 20 juin 2002). À titre indicatif, il semble nécessaire de rappeler que les citoyens européens souhaitant se rendre en Russie sont soumis par les autorités russes à l’obtention d’un visa payant, qui nécessite lui-même l’obtention d’une invitation et la souscription à une police d’assurances, sans compter que sur place, les voyageurs doivent se faire enregistrer auprès des autorités locales, afin d’obtenir contre paiement un formulaire exigé à la sortie du territoire russe !

D’autres représentants de l’assemblée russe tentèrent même de semer la zizanie entre la Pologne et la Lituanie, en réclamant la restitution à Varsovie de la capitale lituanienne Vilnius, sous-entendant que la ville sous souveraineté polonaise de 1923 à 1939 avait été injustement rattachée à la Lituanie. Sur place, on s’insurge de l’entrave faite par la « bureaucratie européenne » à la liberté de mouvement (« La Russie refuse de voir Kaliningrad isolée de l’Europe », Le Monde, 21 juin 2002), tout en craignant que les positions maximalistes de Moscou ne soient contre-productives et empêchent des solutions pragmatiques pour le transit des personnes conformes à leur propre intérêt [Timmermann, 2002].

Du fait de l’histoire soviétique, dont les Russes se sentent plus particulièrement les héritiers, la fin de la continuité territoriale par la mise en place de visas était peut-être également ressentie comme une « insulte », car émanant de peuples qu’ils avaient longtemps dominés (Lituaniens et Polonais). Or justement ces deux États ne voulaient se retrouver ni dans une situation d’infériorité vis-à-vis de l’Union européenne, dont ils devenaient membres, ni dans une position de faiblesse vis-à-vis de la Russie, dont ils avaient longtemps subi la domination, par la mise en place de dérogations concernant l’acquis Schengen pour les habitants de Kaliningrad. La Lituanie, dont la position géographique l’oblige à jouer le lien terrestre entre Kaliningrad et le reste de la Russie et à servir au transit entre les deux parties de la Russie depuis la dissolution de l’Union soviétique, ne voulait en aucun cas devenir un État membre de l’Union de « seconde zone », à cause de dispositions particulières (pour Kaliningrad) dérogeant à l’acquis communautaire.

Les solutions envisagées côté russe pour permettre la libre circulation suscitent d’autant plus l’inquiétude des voisins de Kaliningrad. Elles vont en effet de la construction (quelque peu fantaisiste !) d’un tunnel jusqu’à la frontière de la Biélorussie [Nies, 2003], à la mise en place de trains blindés via la Lituanie ou la Pologne. Or, elles évoquent aux uns, les pires souvenirs de la déportation des populations juives pendant la seconde guerre mondiale et aux autres, les dispositions du corridor de Dantzig pendant l’entre deux guerres qui avaient conduit - on s’en souvient - à la guerre et à la disparition de la Pologne des cartes européennes [Chillaud, 2003]. La perspective d’un « nouveau corridor à la Dantzig » a donc été écartée par ces deux États, qui rejetèrent toute proposition de « corridors extraterritoriaux », comme l’a expressément souligné le Premier ministre polonais Lezcek Miller début 2002 (Le Monde, 8 mars 2002). Tout comme les Russes d’ailleurs, qui finalement s’opposèrent à l’établissement de « voies terrestres réservées aux seuls autochtones souhaitant se déplacer entre l’enclave et la métropole », à l’instar des Berlinois de l’Ouest, qui pendant la guerre froide pouvaient se rendre en Allemagne de l’Ouest par des autoroutes de transit, spécialement désignées et surveillées, situées sur le territoire de la RDA [Chillaud, 2003].

L’analyse des trois principales « écoles de pensée » influentes parmi les élites politiques et académiques russes permet de mieux appréhender la position et la stratégie russe face au problème de Kaliningrad. Selon Alexander Sergounim, celle dont l’influence reste la plus importante au début des années 2000 est l’école classique des « réalistes politiques », qui estiment que Kaliningrad est la manifestation de l’éternelle rivalité Est/Ouest et que l’Union européenne est un instrument des États-Unis. Les Occidentaux auront donc pour seul objectif de rendre viable économiquement la région de Kaliningrad, afin d’amarrer les trois États baltes au continent européen, en appuyant la modernisation des infrastructures au détriment de l’industrie et l’agriculture. Parmi ces réalistes, certains pensent même que l’Union européenne est « téléguidée par l’Allemagne » qui souhaite récupérer le territoire ; d’autres, que les Occidentaux cherchent à « désintégrer » la Russie en soutenant les éléments séparatistes présents à Kaliningrad [Chillaud, 2003]. L’école réaliste préconise donc pour le transit des biens et personnes via la Lituanie d’établir un corridor, comme entre l’Allemagne et la Prusse-Orientale après la première guerre mondiale. Pour cette école, aucune coopération n’est réellement possible avec l’Union européenne, et Kaliningrad doit conserver, voire même « muscler » son importance stratégique.

L’école libérale dite des « institutionnalistes libéraux » [Sergounin, 2000] considère elle que la fin de la guerre froide a rendu Kaliningrad inutile d’un point de vue stratégique, et qu’elle doit tirer parti de sa position qui est une « chance » pour la Russie. Les « libéraux » sont donc prêts à négocier avec Bruxelles, considérant que des relations de confiance entre Moscou et Bruxelles permettraient le règlement de problèmes techniques, y compris celui des visas. Quant aux globalistes, ils considèrent que Kaliningrad doit profiter efficacement du processus de mondialisation et de régionalisation en cours autour de la Mer Baltique. Les relations de la Russie avec l’UE doivent se réaliser, selon eux, entre régions et non avec le pouvoir central, faisant de Kaliningrad une sorte de « laboratoire » et un interlocuteur privilégié de l’Union. [Chillaud, 2003]

Les conceptions de ces trois écoles de pensées expliquent les divergences de Moscou, dont les intérêts ne correspondent pas toujours à ceux de l’enclave et les « balbutiements du pouvoir central » depuis le début des années 1990 pour « élaborer une stratégie cohérente » pour Kaliningrad, « alternant mesures centralisatrices et décentralisatrices » [Chillaud, 2003]. Relayées dans les milieux d’influence du Kremlin, elles ont avant tout servi à alimenter une rhétorique négative vis-à-vis de l’Union, traduisant les inquiétudes de Moscou face à l’élargissement.

Sur le problème du transit, le compromis vient finalement de la communication faite par la Commission en septembre 2002 sur les moyens de « faciliter » le transit des ressortissants russes en direction et en provenance de Kaliningrad, et conduit à la déclaration commune lors du sommet Russie-UE en novembre de la même année. Comme le qualifie parfaitement Dov Lynch [Lynch, 2003 (2)], ce compromis est « de substance pour Moscou, de forme pour Bruxelles ». En effet, Bruxelles par pragmatisme évite d’utiliser le terme de « visa », pour désormais parler de « document de transit facilité » (FTD - facilitated transit document). Or en réalité, ce document équivaut à une version simplifiée et gratuite du régime Schengen de visas. Pour les entrées multiples et avec n’importe quel moyen de transports, il est émis auprès des autorités lituaniennes (consulats) depuis juillet 2003 gratuitement pour une période d’un an. Pour les voyages simples par train en direction ou en provenance de Moscou et Saint-Pétersbourg, un « document de voyage ferroviaire facilité » (FRTD - facilitated rail travel document) est émis au moment de l’achat du billet de train, mais il peut être refusé par les autorités lituaniennes.

À l’étude de ce compromis, on constate - ô combien - les représentations ont joué de part et d’autre, à la fois dans la conception de la frontière et de son franchissement, et dans les perceptions de Schengen et des intérêts de chacun des acteurs. À tel point d’ailleurs, que schématiquement, un simple mot aura suffi à débloquer la situation entre Moscou et Bruxelles ! Pour la Russie du Président Poutine qui avait fait de Kaliningrad, un problème de « premier plan », la solution apportée lui permet de ne pas perdre la face, ni d’apparaître dans une position de faiblesse vis-à-vis de l’Union. D’ailleurs, l’accord obtenu en novembre 2002 est présenté par Moscou comme un « triomphe diplomatique », puisque la Russie a réussi à « convaincre l’UE de modifier ses règles en permettant aux Russes de transiter par la Lituanie sans visas » [Feifer]. Mais ce que révèle aussi l’étude de la représentation sécuritaire de l’UE du problème de Kaliningrad, c’est au fond la mauvaise image, dont jouit la région russe en Europe : celle d’une « terra incognita » dans la nouvelle Europe, zone de trafics en tous genres, malade de tous les maux (pauvreté, sida, insécurité...).

Changer d’image

Il faut d’abord relativiser les données concernant l’« enclave russe ». Depuis la fin de la guerre froide, la région de Kaliningrad (15 000 km², 1 million d’habitants) a perdu de son importance stratégique, ses effectifs militaires ont été drastiquement réduits. Elle ne représente plus une menace pour les pays voisins, ni un risque pour la stabilité régionale. De la même façon, en visitant la région, ce n’est pas l’insécurité qui domine ou la pauvreté qui frappe, mais plutôt un important niveau de consommation, assez comparable d’ailleurs à d’autres régions de Russie, loin donc de l’image véhiculée en Europe comme en Russie par les médias. D’ailleurs, la croissance du produit régional brut est constante depuis 1998 et atteignait 6,4 % en 2001 et 4 % en 2002. Et le calcul de la richesse régionale en parité de pouvoir d’achat (PPA [23]) et en tenant compte de l’économie informelle (estimée à 60 % du PIB local) montre que le niveau de vie de Kaliningrad est équivalent à 95 % de celui de la Lituanie et à 75 % de celui de la Pologne.

Carte : Les principaux secteurs de l’économie (Non reproduite dans cette version en ligne, désolé)

Il est vrai que la région dispose d’atouts économiques non négligeables (cf. carte) : des secteurs dynamiques dans l’industrie du bois et du papier, de l’électronique (fabrication de télévisions, réfrigérateurs) et de la pêche (grâce à la deuxième flotte de pêche de toute la Russie et de ses nombreuses conserveries de poissons). Au niveau des ressources naturelles, Kaliningrad détient 90 % des réserves mondiales d’ambre et exploite du pétrole, dont les revenus alimentent 15 % du budget régional. À noter également, les importantes infrastructures portuaires (Kaliningrad, Svetly et Baltiisk, port militaire dont une partie est aujourd’hui aménagée à des fins civiles), sans oublier le potentiel touristique. On trouve dans la région de Kaliningrad plusieurs stations balnéaires au bord de la Baltique comme Zelenogradsk et Svetlogorsk, très prisées à l’époque soviétique, mais également un site naturel unique au monde, la lagune de sable du Cordon des Coures, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, ainsi que plusieurs lieux d’intérêts historiques, dont le tombeau de Kant ou les sites des grandes batailles napoléoniennes Tilsit, Friedland, Eylau (respectivement aujourd’hui Sovietsk, Pravdinsk et Bagrationovsk). Les célébrations des 750 ans de Kaliningrad (ou plutôt de Königsberg) en juillet 2005 sont à cet égard l’occasion d’un retour sur une histoire, susceptible de donner une image plus positive de la région, en augmentant l’attractivité de la région, notamment par la médiatisation de l’événement et la rénovation urbaine, qui comprend l’édification d’une cathédrale orthodoxe dans le centre-ville de Kaliningrad.

L’élargissement de l’UE semble déjà avoir eu un impact positif sur la région de Kaliningrad : le fret maritime a doublé entre 2002 et 2003, une « stratégie de développement régional jusqu’à 2010 » a été décidée. Le gouvernement fédéral russe a également fait preuve, après les nombreuses tergiversations, d’un grand pragmatisme pour s’adapter à la nouvelle situation de sa région enclavée. Quelques jours avant la mise en place du nouveau régime de visa en Lituanie le premier juillet 2003, le gouvernement russe a annoncé la baisse des tarifs aériens [24], les rendant aussi concurrentiels que le train. Il reste encore à redynamiser les investissements étrangers qui sont peu importants, malgré la mise en place de la zone économique spéciale. Les voisins polonais et lituaniens sont les partenaires commerciaux les plus actifs dans l’enclave, suivis de près par l’Allemagne. BMW a installé une ligne d’assemblage pour ses voitures destinées au marché russe, comme d’ailleurs le coréen KIA. Mais dans l’ensemble, du fait de sensibilités historiques, l’Allemagne reste plutôt en retrait dans la région et favorise plutôt les politiques de coopération de ses Länder, comme le Brandebourg, le Schleswig-Holstein ou Hambourg, très liés historiquement à la Prusse-Orientale. Néanmoins, après dix ans d’attente, un consulat allemand a ouvert ses portes à Kaliningrad en février 2004 et la liaison ferroviaire avec Berlin a repris du service à la mi-décembre 2003. Le Danemark et la Suède mènent également une politique de coopération dynamique à Kaliningrad, au niveau social (santé publique) et de l’environnement, visant à favoriser la stabilité de la région baltique, dont ils font partie.

Le développement de coopérations entre Kaliningrad et les pays riverains de la Baltique joue donc un rôle de plus en plus prégnant, favorisant la stabilité régionale et le développement économique de la région russe dans l’espace de coopération baltico-européen, qui est également l’espace géographique auquel elle appartient. Mais tant que Moscou conservera le moyen de contrôler l’ouverture de la région sur son environnement extérieur, le développement de Kaliningrad restera l’« otage géopolitique12 » de Moscou et s’en retrouvera entravé.

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[1À des fins de simplification, le terme région sera utilisé au cours de cet article en place de oblast.

[2Impressions recueillies au cours d’entretiens à Kaliningrad en août 2003 par l’auteur.

[3En effet, conformément au protocole secret du pacte germano-soviétique du 23 août 1939, les trois États baltes indépendants depuis la fin de la Première Guerre mondiale furent annexés par l’Union soviétique à l’automne 1939, au lendemain de l’invasion de la Pologne. La Lituanie, initialement dans la sphère d’influence allemande, sera finalement incluse dans la zone d’influence soviétique par le nouveau traité germano-soviétique du 28 septembre, qui fixait la frontière entre les deux États après l’annexion de la Pologne. Ce tracé qui avantageait Berlin fut compensé par l’octroi de la Lituanie à la zone d’influence soviétique.

[4Conférence « L’élargissement et l’unité de l’Europe », organisée par l’école doctorale de Sciences-Po, en collaboration avec la Fondation Robert Schuman, Paris, le 24 janvier 2004.

[5Le premier train organisé y arriva le 27 août 1946 en provenance de Briansk. 12 024 familles s’installèrent durant cette année dans la région de Kaliningrad, soit 52 906 personnes au total.

[6Ces avantages comprenaient l’équivalent de deux ans de salaire, 1 000 roubles par membre de la famille et un prêt de 3 000 roubles ou une vache, sans compter le transfert gratuit jusqu’à Kaliningrad et une maison.

[7Notamment en l’honneur des héros militaires de l’Union soviétique, vainqueurs de l’Allemagne nazie (Gusev, Frunzé, Tcherniakhov...), ou bien à la Gloire du Communisme. On trouve ainsi encore dans la région des villes ou villages à la dénomination idéologiquement très « orientée », comme Sovietsk (Soviétique), Pionerski (Pionniers) ou encore Krasnooktiabrskoe (Octobre Rouge)...

[8Voir la communication de la commission au conseil du 17 janvier 2001, l’Union européenne et Kaliningrad.

[9Les nouveaux entrants devraient rejoindre officiellement l’espace Schengen en 2007.

[10PECO : abréviation européenne pour pays d’Europe centrale et orientale.

[11Chiffres cités par [de la Serre, 2003, p. 265 ; Ramsès 2003, p. 265].

[12Ces décisions ne s’appliquent pas à Malte et Chypre du fait de leur petite taille.

[13Titre de l’ouvrage du Samuel Huntington, professeur à Harvard, paru en version française en 1997 aux éditions Odile Jacob.

[14C’est par le rejet de l’immigration et l’utilisation du thème de l’invasion de l’Europe (« La marée de l’immigration va nous submerger après nous avoir ruiné ») que le Front national de Jean-Marie Le Pen n’a cessé de progresser pour parvenir en France au second tour de l’élection présidentielle au printemps 2002. De la même façon en Autriche, Jörg Haider, leader du parti extrémiste FPOE, obtient 27 % des suffrages aux élections législatives de 2000 grâce à l’exploitation des thèmes de l’« invasion étrangère » et l’« immigration zéro ». En mars 2002, aux Pays-Bas, Pim Fortuyn présente l’immigration, qu’il place d’ailleurs sur le même plan que la lutte contre l’establishment, comme la source des maux dont souffre le pays (« Les Pays-Bas sont pleins ») et obtient 34 % des voix aux élections municipales de Rotterdam. Au Danemark, le Folkeparti (Parti du peuple) prône « la fin des largesses aux étrangers », et le Vlaams Blok en Flandre une lutte sans merci « contre l’islam et sa cinquième colonne l’immigration ».

[15Y sont évoqués en particulier la circulation des marchandises (transport et commerce), des personnes (gestion des frontières y compris le petit trafic frontalier, la politique des visas et de l’immigration, accord de réadmission, le problème du transit via la Lituanie), sans pourtant omettre le commerce illicite, les problèmes environnementaux et la santé...

[16En réalité, dans le cas de Kaliningrad, il s’agit du produit régional brut.

[17Entretien avec l’auteur à Kaliningrad en août 2003.

[18Cette dernière place en effet bien avant les missions purement militaires, le développement des infrastructures portuaires, la modernisation de la flotte de commerce, la coopération économique avec les États riverains de la Baltique ainsi que le marquage de la souveraineté maritime. Pour plus de détails, Morskoï sbornik, septembre 2001, p. 10.

[19In Romer [1999], qui donne même « 26 millions de morts, selon les derniers chiffres disponibles ».

[20Dénomination soviétique pour désigner la Seconde Guerre mondiale, toujours en usage en Russie.

[21BBC NEWS : conférence de presse du président Poutine du 25 juin 2002.

[22Selon les termes de Andréï Vinogradov, député du parti Unité (formation du président Poutine) à la Douma régionale de Kaliningrad, cités par [Jego, 2002].

[23Résultat d’une recherche réalisée par l’université Pierre-Mendès-France à Grenoble, en collaboration avec des chercheurs russes, sous la direction du professeur Ivan Samson.

[24Le billet passe de 2 500 à 900 roubles, soit l’équivalent de 33 € pour un aller retour Kaliningrad-Moscou.


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